L’expédition rivale de Kerguelen de Tremarec à la découverte de la Terre australe

CROZET (Julien). Nouveau voyage à la Mer du Sud… 1771-1773

Crozet 1

Un autre bel exemplaire vendu.

Crozet 4
Crozet 7

La France attache son nom à l’exploration des Mers Australes et publie la première carte de la Nouvelle-Zélande.

L’expédition rivale de Kerguelen de Tremarec à la découverte de la Terre australe.


[MARION DU FRESNE] /CROZET (Julien) & ROCHON (Abbé Alexis-Marie de, rédacteur).

Nouveau voyage à la Mer du Sud, Commencé sous les ordres de M. MARION [du Fresne], Chevalier de l’Ordre royal & militaire de S. Louis, Capitaine de brûlot ; & achevé, après la mort de cet Officier, sous ceux de M. le Chevalier DUCLESMEUR, Garde de la Marine. Cette Relation a été rédigée d’après les Plans & Journaux de M. Crozet [par l’abbé Alexis Rochon]. On a joint à ce voyage Un Extrait de celui de M. De SURVILLE dans les mêmes Parages.

A Paris, Chez Barrois l’aîné, Libraire [De L’Imprimerie de Monsieur], 1783.


In-8° ; VIII-290 pp.-1 f. non chiffré [Extrait des Registres de l’Académie du 11 mai 1782 (signé du marquis de Condorcet)]-2 cartes dont 1 repliée h.-t. et 5 pl. h.-t. in-fine [1-7].

Un plein veau marbré, dos lisse très joliment orné, filets or, fleurette or, pièce de titre en maroquin rouge, tranches teintées marbrées, une reliure de l’époque, état neuf.

Un magnifique exemplaire d'une grande fraîcheur. 


Vendu


BIBLIOGRAPHIE

ÉDITION ORIGINALE RARE.

– “ The first printed French maps of New Zealand were Marion Dufresne’s maps of 1772 in this account of Crozet’s voyage. ” (Tooley, The Mapping of Australia, p. XII et p. 308, 158).

– “ Crozet’s narrative, apart from the drama of its story, has much careful observation on Maori life and custom and, with the reports of Cook and his officers, was virtually the only source material available for 40 years… ” (New Zealand National Bibliography).

– “ It is an exceendingly rare item and is seldom available. ”  (Davidson, A Book Collector’s Notes, pp. 98-99).

– Davidson, A Book Collector's Notes, pp. 98-99. – Dunmore, t. I, p. 182. – Du Rietz, Bibliotheca Polynesiana by Kroepelien, 1104. – Hill, 401. – Hocken, pp. 21-22. – Howgego, I, C222, p. 285. – Le Nail, Explorateurs et Grands Voyageurs Bretons, p. 32. – New Zealand National Bibliography, t. I, 1502.


Marc-Joseph Marion-Dufresne fut un grand marin ; nous lui devons les premiers relevés sérieux de ces îles perdues des Quarantièmes rugissants.

Un important livre sur l’exploration de la Nouvelle-Zélande et de la Tasmanie.

Excellent marin, bien en cour, féru des nouveautés scientifiques, mais aussi commerçant très actif, sa curiosité est éveillée par l’accostage à Port-Louis du « Brisson », lequel ramène en Polynésie le Tahitien Ahu-Toru qui avait accompagné Bougainville en France et auquel le célèbre circumnavigateur avait promis le retour au pays. L’intendant Pierre Poivre a des instructions très précises et le devoir d’organiser la suite du voyage.

Marion-Dufresne propose de l’organiser - en grande partie à ses frais - en combinant le retour de Ahu-Toru, l’exploration du sud des Océans Indien et Pacifique au delà des 45° de latitude sud afin de repérer un éventuel continent inconnu, la reconnaissance du littoral de la Nouvelle-Zélande aux fins « de profits de pêche », et, enfin, la poursuite de la recherche vers le détroit de Torrès et Timor d’un endroit « propice à l’établissement d’un comptoir commercial ». Poivre est d’accord, informe le ministre et met à la disposition de l’entrepreneur-marin une flûte de 450 tonneaux le « Mascarin » ; Marion-Dufresne affrête de son côté la frégate « Marquis de Castries »  qu’il confie à Julien Crozet avec lequel il a déjà navigué. Les deux navires appareillent de Port-Louis le 18 octobre 1771, trois mois avant l’expédition commandée à Kerguelen dans le but de trouver un éventuel « continent austral ».

Ahu-Toru décède de la variole (sans doute contractée à Port-Louis) le 6 novembre au large de Madagascar ; il n’est plus nécessaire de remonter jusqu’à Tahiti, aussi Marion-Dufresne informe le ministre qu’il fait route au Sud-Est, sous les 40° : il découvre des îles : Crozet, celle qui - maintenant sud-africaine - s’appelle « prince Édouard » après qu’il l’eut baptisée Terre de la Caverne.
Une avarie assez sérieuse oblige, en janvier 1772, à trouver un abri, puis un épais brouillard gène la lente reconnaissance de poussières d’îles, sans que l’on parvienne à détecter un véritable archipel. Fin janvier, l’expédition est géographiquement assez proche de celle de Kerguelen : peut-être Marion-Dufresne a-t-il découvert les Kerguelen avant Kerguelen ?
En février, à l’initiative de Crozet, on oblique à l’Est et le 3 mars on est en vue de la terre de van Diemen (Tasmanie), 130 ans après ce dernier. L’escale est pittoresque, amicale avec les insulaires ; on fait de l’eau et des fruits frais. Plus loin, les autochtones accueillent avec des lances et des sagaies, ce qui amène à en tuer quelques-uns.

Marion-Dufresne traverse la mer de Tasmanie et longe les côtes de l’Ile nord de Nouvelle-Zélande, leur donne des noms français sans savoir que Cook a déjà procédé à cet inventaire et ces baptêmes en 1769. Il aborde la Baie des Îles, noue des relations amicales avec les Maoris locaux, remarque leur parenté linguistique avec les Tahitiens, fait beaucoup d’observations, établit trois camps, préludes dans son esprit à un « comptoir » plus sérieux. Mais les choses se gâtent ; on fait la fête le 8 juin, mais un petit groupe de matelots en reconnaissance ne rentre pas. Marion-Dufrene descend à terre avec un groupe d’hommes et ne revient pas.  Le 12 juin, il est certain que l’intrépide commandant a été massacré ; la troupe est envoyée à terre, punit, exécute quelques Maoris, incendie un village après avoir trouvé les restes d’un repas cannibale. Il est impossible de rester dans ces conditions, décrites avec précision dans le journal de bord, et l’expédition appareille le 12 juillet, sous le commandement de Crozet et de son second Ambroise Le Jar de Clesmeur. Tous deux ignorent quels étaient les réelles intentions du disparu ; les officiers réunis en conseil décident de continuer à remonter la côte et de rejoindre la route du nord « sans chercher des terres éloignées », ils doublent ainsi l’Île Rotterdam des Tonga, relâchent aux Mariannes. La navigation est lente, difficile, les cas de scorbut se multiplient. Le 23 août, les deux unités franchissent l’équateur, obliquent vers l’ouest, relâchent à Guam ou le gouverneur espagnol fournit eau fraîche, vivres et soins ; il donne aussi un pilote pour conduire les deux navires jusqu’à Manille « où on tire quelques profits des cargaisons embarquées », les deux navires et les hommes remis en état appareillent à la fin de l’année et rejoignent Port-Louis sans encombre en avril 1773.

Le ministre, et les autorités trouvent les résultats de l’expédition bien décevants : pas de continent austral, seulement d’arides poussières d’îles, au climat peu attrayant et à la végétation sans intérêt. Sur le plan commercial c’est un coûteux échec : la cargaison s’est mal vendue, il reste 400 000 livres de dettes, notamment les salaires des membres des équipages et les frais de réparations. L’affaire traînera jusqu’en 1788.


La mort tragique de Marion-Dufresne, qui voulut faire cohabiter exploration et spéculation commerciale, ajoute à la désillusion et montre l’impossibilité d’une installation durable dans des terres aussi hostiles et éloignées. Sans doute cette aventure est-elle la dernière des « expéditions de découverte » telles qu’elles furent menées par la plupart des Marines occidentales des XVIIe et XVIIIe siècles. (Canal Académie, « Des marins et des navigateurs », Françoise Thibault, janvier 2013).


Crozet 5
Crozet 6
Crozet 8