RAYNAL. Histoire philosophique et politique des deux Indes
RAYNAL (Abbé Guillaume-Thomas).
Histoire philosophique et politique, Des Établissemens et du Commerce des Européens dans les Deux Indes.
A Genève, Chez Jean-Léonard Pellet, Imprimeur de la Ville & de l’Académie, 1780.
4 tomes reliés en 4 volumes au format in-4° et 1 atlas in-4° ; I/1 joli portrait frontispice gravé par De Launay d’après Cochin-XVI-1 pl. h.-t.-741 pp. ; II/1 front. [Moreau le Jeune]-(2)-VIII-485 pp. ; III/1 front.-XV-629 pp. ; IV/1 front.-(2)-VIII-770 pp.-(1).
L’atlas se compose ainsi : (2)-28 pp. [« Analyse succincte de cet atlas »]-50 cartes h.-t. [1-17-17 bis-49] dont 2 mappemondes, 10 cartes de l’Europe, 8 cartes de l’Asie, 7 cartes de l’Afrique et 23 cartes de l’Amérique tracées par l’ingénieur-hydrographe de la Marine, Rigobert Bonne, et gravées par Dien, ainsi que 23 tableaux hors-texte repliés.
Vendu
Un plein maroquin rouge, dos à nerfs richement orné, caissons or à petits fers dorés d’angles, fleurettes or, roulette or sur les nerfs, frise or en tête, large palette or en pied, pièce de titre et de tomaison en maroquin vert, filet or sur les coupes, triple filet or à l’ancienne sur les plats avec petit fer d’angle, tranches dorées, reliures uniformes d'époque portant l’étiquette du libraire « GAY » (voir infra) collée en pied sur la contre-garde du tome I et de l’atlas : « A Strasbourg chez les Fr.[ères] GAY ». UN SUPERBE EXEMPLAIRE.
UNE RELIURE SIGNÉE, FINE ET PRÉCIEUSE, EN PARFAIT ÉTAT DE CONSERVATION.
Rappelons que les belles reliures du XVIIIe siècle sont recouvertes en maroquin rouge, mais on en rencontre également en maroquin bleu, citron, vert-pomme et olive. Le maroquin était réservé aux reliures de grande valeur et faisait l'objet d'un commerce réduit.
On ne connait que trop la paucité d'un exemplaire tel que celui-ci, et l'on doit se réjouir vivement d'en posséder un si précieux.
L’UN DES OUVRAGES CLEFS DE LA CRISE DE L’ANCIEN RÉGIME
L’abbé RAYNAL (1713-1796) fut bien accueilli dans le milieu philosophique parisien. Après avoir obtenu une place de rédacteur au « Mercure de France » (1750-1754), il devint l’hôte assidu des salons de la capitale : Madame d’HELVÉTIUS dans la rue Sainte-Anne, Madame du DEFFAND à la Sainte-Chapelle, Madame GEOFFRIN dans la rue Saint-Honoré, et Madame d'ÉPINAY dans la rue de la Chaussée-d'Antin. Il lui fut alors suggéré l’idée d’un grand travail encyclopédique ayant pour objet les colonies formées par les Européens à travers le monde. De nombreuses plumes de la petite société des encyclopédistes collaborèrent, dont HOLBACH, NAIGEON, PECHMÉJA, DAUBENTON, DUMARSAIS et DIDEROT qui y travailla deux années. L’Histoire des deux Indes, dès sa première édition, devait beaucoup aux échanges d’idées qui avaient lieu entre les Encyclopédistes ; l’objet des recherches de l’abbé RAYNAL était l’étude du commerce dans les deux Indes, c’est-à-dire en fait dans le monde entier.
Compilation à visée encyclopédique, l’un des grands succès de librairie de la fin du XVIIIe siècle, suscita autant de critiques que d’éloges de la part de ses contemporains. Elle apparaît comme pleinement représentative d’un paysage éditorial marqué par l’évolution du simple récit de voyage vers la réflexion philosophique sur le rôle de l’Europe dans le monde, particulièrement sur le continent américain. Dans son Histoire philosophique et politique… (1770), l'un des ouvrages les plus remarquables de l'esprit des Lumières, publication clandestine et succès de librairie, l'abbé Raynal condamne l'esclavage avec véhémence (voir le célèbre passage sur les horreurs de la traite qui ouvre le onzième livre, dû à la plume de Diderot)
Un coup de tonnerre…
Au lendemain de l’achèvement de l’Encyclopédie éclate un coup de tonnerre dans le climat du « parti intellectuel » parisien, l’abbé RAYNAL apparaissait comme le continuateur, comme le législateur qui allait faire passer dans la pratique les idées exposées dans le grand œuvre de Denis DIDEROT.
Rappelons que cet ouvrage polémique et politique, somme monumentale de l’anticolonialisme, l’un des plus importants du siècle des Lumières et d’une renommée universelle, fut mit à l’Index le 29 août 1774 et condamné simultanément par le Parlement de Paris et la Sorbonne à être brûlé en 1780. Il connaîtra près de cinquante éditions ou contrefaçons en moins de vingt ans.
Œuvre à la fois encyclopédique et critique, elle est l’une des premières qui révèle un effort de démocratisation du savoir et des concepts de liberté individuelle ; l’abolition de l’esclavage, la libre circulation des marchandises et des idées et l’égalité entre les hommes.
Enfin, il ne faut pas oublier que l’Histoire […] des deux Indes, a été aussi consultée pour les informations « pratiques » qu’elle renferme. Les cartes et tableaux composant le dernier volume de l’édition de 1780 en sont un témoignage.
Planisphère suivant la projection de Mercator
Quelques mots sur les frères GAY, Imprimeurs-Libraires, à Strasbourg.
Les frères GAY étaient Imprimeurs-Libraires et Papetiers à Strasbourg. À partir de 1777, c’est une association réunissant Jean-Baptiste GAY et son frère Jacques (ou Jacob) GAY sous la raison sociale « Frères GAY ». Ils exercent d’abord à Strasbourg (reste ensemble jusqu’en 1794 au moins), puis à Vienne (en tant que Libraires-Imprimeurs et Papetiers) mais aussi à Paris. En 1787, ils ouvrent une librairie à Saint-Pétersbourg, qui sera fermée en 1800, puis une autre librairie à Moscou. Ils pratiquent un actif commerce avec la Hongrie et participent aux foires de Varsovie (source BnF Data).
À consulter : Claire Madl, bibliothécaire du CEFRES (Prague), docteur de l’EPHE–Strasbourg et l’exportation des livres vers l’Est de l’Europe au XVIIIe, in Colloque international : Strasbourg, le livre et les bibliothèques XVe-XXIe siècle.
BIBLIOGRAPHIE
Remarquable exemplaire de l’édition in-quarto, tiré sur papier vergé fin et en maroquin du temps. L’édition a été imprimée sous trois formats différents. Cohen souligne qu’il importe aussi de rechercher les exemplaires imprimés sur un vergé fin.
Barbier, Dictionnaire des ouvrages anonymes, t. II, col. 823-824.
– Brunet, t. IV, coll. 1126 ; – Catalogue BnF, Michel Delon, En Français dans le texte, n° 166, p. 179 ; – Seymour de Ricci & Cohen, sixième édition, coll. 854 : « Belle édition que les figures de Moreau ont fait préférer » ; – Peignot, Dictionnaire des livres condamnés au feu, t. II, p. 71 ; – Sabin, 68081.
Bibliothèque Mazarine, Catalogue de l'exposition : Raynal, Un regard vers l’Amérique, 38a et 38b, p. 99.
Troisième édition « officielle » et définitive de l’Histoire des deux Indes avec des additions coruscantes de Diderot.
Véritable refonte des deux éditions précédentes, cette troisième édition parut simultanément en deux formats : in-4° (4 volumes et 1 atlas) et in-8° (10 volumes). Elle souligne une évolution sensible de la pensée de Raynal. Édition imprimée à Genève, à l’initiative d’un consortium de libraires parisiens qui exploitèrent la voie clandestine du fait que l’ouvrage était proscrit et mis à l'index.
Troisième version réimposée au beau format in-quarto, imprimée sur papier vergé fin et en partie originale. (Cohen, coll. 854 : « Il faut prendre les exemplaires en papier fin »).
L’édition la plus belle et la plus recherchée ; bien complète de son portrait de l’auteur dessiné par Charles-Nicolas Cochin, des 4 planches en frontispice et de ses 50 cartes finement gravées et imprimées sur double page, ainsi que 23 tableaux statistiques repliés.