Claire DÉMAR, Prosper ENFANTIN
DROITS DES FEMMES – SAINT-SIMONISME
Le mouvement féministe en France au lendemain de juillet 1830.
Un précieux recueil de BROCHURES ORIGINALES très rares des « Dames de la Doctrine » ou femmes prolétaires, le premier mouvement féministe français autour d’un journal : La Femme Libre.
Ce précieux recueil est enrichi de feuillets MANUSCRITS ORIGINAUX de la plume de PROSPER ENFANTIN, chef charismatique de la foi nouvelle.
Un volume in-octavo, demi-chagrin marron, dos à nerfs, caissons à froid, trois titres or poussés au dos*, usures du temps, une reliure de l’époque.
*Ma Loi d’Avenir, La Femme Libre et La Foi Nouvelle. À noter la prééminence accordée au titre Ma Loi d’Avenir.
UNE IMPORTANTE PROVENANCE : Vignette ex-libris de la Bibliothèque du baron Gustave D’EICHTHAL.
Format bibliographique : 225 x 150 mm
Vendu
Analyse du corpus
1. DÉMAR (Claire, calligraphié parfois Desmar ou Deymar).
Ma Loi d’Avenir, par Claire Démar. – 1833. Ouvrage posthume, publié par Suzanne [Voilquin].
Paris, Au Bureau De La Tribune Des Femmes, Et Chez Tous Les Marchands de Nouveautés, 1834,
[Imprimerie de Petit, rue du Caire, n. 4.]
In-8° broché ; 59 pp. y compris le faux-titre. Absence de la couverture. Accolades dans les marges et surlignures au crayon à la mine de plomb de Prosper Enfantin. Également quelques points d’interrogations et quelques petites croix en marge.
Édition originale rare.
Le texte le plus important de l’auteur. Conçu comme un article polémique adressé aux rédactrices de La Tribune des Femmes, édité par Suzanne Voilquin, responsable du journal.
2. [DÉMAR (Claire)]. Appel d’une Femme au Peuple sur l’Affranchissement de la Femme, par le même auteur.
[Imprimerie de Petit, rue Saint-Denis, 380]
In-8° broché ; page de titre, sans nom, sans date, 1 feuillet non chiffré [« Ce premier écrit d’une femme n’est qu’un gant jeté dans l’arène… »], de la page [65]-66 à la page 75 [le folio verso est blanc], dernière couverture bleue encadrée et illustrée d’une vignette gravée sur bois conservée. Accolades et petites croix dans les marges au crayon à la mine de plomb de Prosper Enfantin.
Édition originale rare.
Claire Démar (circa 1800-1833), qui entretint une correspondance avec Prosper ENFANTIN semble avoir hésité entre les saint-simoniens et les républicains. Après avoir été très isolée des mouvements politiques ou dits « progressistes », elle se suicide en 1833 en compagnie de son amant Perret Désessarts, jeune saint-simonien (un coup de pistolet double et simultané).
3. La Femme Libre. Apostolat des femmes. 1er numéro. Prix : 15 c. Chaque exemplaire.
Appel aux femmes
[Paris], Au Bureau de l’Apostolat, Rue du Caire, n° 17, à l’entresol, sans date [1832].
[Paris. – IMPRIMERIE DE AUGUSTE AUFFRAY, passage du Caire, n° 54]
In-8° broché ; 8 pp.
Édition originale rare.
Le premier périodique collectif féministe de l’histoire française. Un vibrant appel au droit à l’amour libre et à la révolution des mœurs conjugales (le divorce ou la réforme morale).
4. La Femme de l’Avenir. Apostolat des femmes.
[Paris], Au Bureau de l’Apostolat, Rue du Caire, sans date [1832].
Procès des Apôtres. Le Procès.
[Paris. – IMPRIMERIE DE AUGUSTE AUFFRAY, passage du Caire, n° 54]
In-8° broché ; 8 pp.
Édition originale rare.
Le procès des Apôtres. Un plaidoyer en faveur des apôtres de l’affranchissement des femmes et du peuple.
5. La Femme Nouvelle. Apostolat des femmes. Numéro 5.
[Paris], Au Bureau de l’Apostolat, Rue du Caire, 8 octobre 1832.
[Paris. – IMPRIMERIE DE AUGUSTE AUFFRAY, passage du Caire, n° 54]
In-8° broché ; de la page [33]-34 à la page 40.
Édition originale rare.
[La] Tribune des Femmes sous la direction de Suzanne Voilquin, parut successivement sous les titres suivants : La femme Libre, La femme Nouvelle, Apostolat des femmes, journal fondé, dirigé, rédigé par des prolétaires saint-simoniennes, qui le financent elles-mêmes. Il paraît de juillet 1832 à avril 1834 ; c’est le périodique le plus étonnant, le plus original et le plus intéressant de cette période. À noter que ce journal n’insérait que des articles rédigés par des femmes.
[Relié à la suite :]
LAWRENCE (James Henry).
Les Enfants de Dieu, ou la religion de Jésus réconciliée avec la philosophie par James de Laurence*, publié par le général baron d’Hénin de Cuvilliers. Troisième édition.
Paris, Imprimerie de Plassan et Cie, août 1831.
In-8° broché ; 15 pp. La couverture encadrée et imprimée fait office de page de titre. Le folio verso comporte la préface. Le folio verso de la page 15 forme la quatrième de couverture. Elle est encadrée et illustrée d’une vignette gravée sur bois (portrait de Jésus portant la devise : « Ecce homo »).
Troisième et dernière édition, la plus complète.
James Henry Lawrence (1773-1840), littérateur anglais, est l’auteur d’un roman féministe An Essay on the Nair System of Gallantry and Inheritance ; shewing its superiority over mariage… London, J. Ridgway, circa 1800, traduit en français pour la première fois en 1807 dont l’édition est inconnue. Ce roman sera diffusé en France sous le titre : L’Empire des Nairs, ou le Paradis de l’amour, Paris, Maradan, Libraire, 1814, 4 vol. in-12°. Cet ouvrage rare est un plaidoyer en faveur de l’égalité des hommes et des femmes. On y trouve : la critique du mariage et sa nécessaire abolition. Le mariage en tant que source d’adultère et esclavage pour les femmes. Le droit des mères à transmettre leur nom et leurs propriétés de mère en fille. La rémunération des mères pauvres pour le travail procréatif. La paternité individuelle abolie (les pères doivent se considérer comme les pères de tous les enfants (cf. Platon). Les hommes et les femmes sont libres sexuellement.
Les Enfants de Dieu ou La religion de Jésus réconciliée avec la philosophie est une synthèse en quinze pages de son roman. Dans cet essai, l’auteur traite son sujet par rapport à la religion. Ce fascicule sera maintes fois commenté par les saint-simoniennes comme Suzanne Voilquin ou Claire Démar.
*Lors de ses voyages en Allemagne et en France, l’auteur prit le titre de Chevalier de Lawrence.
[Relié à la suite :]
Foi Nouvelle [8 livraisons]. Livre des Actes, publié par les femmes. Tome premier.
Chez Alexandre Johanneau, Libraire, Paris 1833-[1834].
[Imprimerie de CARPENTIER-MÉRICOURT, rue Traînée, n° 15, près de Saint-Eustache]
In-8° broché ; 16 pp. [première livraison] à 158 pp., un ensemble des huit premières livraisons (La première livraison est en double) sur onze parues en pagination continue avec leurs couvertures éditeur encadrées et illustrées conservées.
Édition originale très rare.
Journal composé à l’instigation (et à la louange) de Prosper Enfantin : Le Livre des Actes, publiés par les Femmes (Foi Nouvelle), paraîtra de 1833 à 1834 sous la direction de Cécile Foumel, puis de Marie Talon.
BIBLIOGRAPHIE
UNE IMPORTANTE PROVENANCE : Vignette ex-libris de la Bibliothèque du baron Gustave D’EICHTHAL.
Saint-simonien dès 1829, Gustave d’Eichthal devient l’un des principaux financiers et l’une des figures principales du mouvement. Il collabora au Globe, journal qui devint la doctrine de Saint-Simon.
Notes ou conseils de :
– Importants Fonds SAINT-SIMONIENS : Bibliothèque de l’Arsenal (lieu de mémoire du saint-simonisme), ainsi que la Bibliothèque Thiers.
Nous devons d'amples renseignements à l’obligeance de Mme Anne-Bérangère ROTHENBURGER, Conservateur à la Bibliothèque de l'Arsenal, responsable du fonds saint-simonien, qui a bien voulu faire, pour la librairie Hérodote, quelques recherches sur ce corpus.
– Nathalie COILLY & Philippe RÉGNIER, Le siècle des saint-simoniens, du Nouveau christianisme au canal de Suez, Paris, BnF, 2006.
– Henri FOURNEL, Bibliographie saint-simonienne, de 1802 au 31 décembre 1832.
Ce travail de l’un des Quarante de Ménilmontant*, publié en mars 1833, demeure indispensable : outre ce qu’annonce son titre, il fournit une analyse des grandes publications (Exposition, Prédications), des renseignements précieux souvent inutilisés sur les auteurs de textes anonymes, ainsi que des dates de publication, des chiffres de tirage, des listes de brochures, etc.
*En avril 1832, Prosper Enfantin et 40 de ses « fils », dont Michel Chevalier, Charles Duveyrier, Émile Barrault, Henri Fournel et Gustave d’Eichthal, emménagent au 145 rue de Ménilmontant dans une vaste propriété appartenant au « Père suprême ».
– Sous la direction de Jean MAITRON, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, t. II, 208.
– Jean WALCH. Bibliographie du saint-simonisme, 901.
Cette thèse de 3e cycle, soutenue en 1965, fut publiée en 1967 aux Éditions Vrin à Paris.
[Reliés en tête du volume quatre manuscrits autographes :]
1. Prosper-Barthélemy, dit le « Père ENFANTIN » :
Un précieux manuscrit autographe original sans lieu ni date, non signé.
Prosper Enfantin (1796-1864) se livre à une étude critique du texte fondateur de Claire Démar. Ma Loi d’Avenir.
Un feuillet bi-folium in-octavo non chiffré. Deux pages (folio recto & folio verso) en premier jet. Écriture personnelle. Une cursive serrée mais lisible à l’encre marron sépia sur papier à « écriture » satiné beige à grammage fin. L’écriture est inclinée à droite, rectiligne, naturelle, spontanée et un peu grasse. Quelques ratures et surlignures.
Transcription dactylographique du manuscrit :
[Folio recto :] « belles qui ne seront jamais épouses chéries //et femmes respectées, ce ne sont pas des femmes // ce ne sont que des filles, » a dit [Abel] Transon. // Claire Démar, à ce titre n’a point été une // femme. Elle est arrivée au point de nier au- //dacieusement, et la paternité, et même // la maternité. « Elle a, dit son éditeur, com- // mencé la vie, en fouillant profonde- // ment dans la fange du vieux monde. // elle en est sortie, avec dégoût jeune encore // mais brisée par ce contact. » [Ajout interlinéaire :] Elle n’était cependant pas physiquement flétrie. Sa Loi d’A- // venir est donc celle d’une courtisane, // par la même, elle est donc aussi né- // cessairement bien incomplète ; elle l’est // au point d’arriver à nier, non seule- // ment la paternité, mais aussi la ma- // ternité (p. 53-58). Après cela quoi // d’étonnant que l’infortunée ait fini par le // suicide ?
[Folio verso :] Toutefois, en tant que révélation de // courtisane, sa révélation est précieuse, // elle est pleine d’énergie et de poésie, // et ce qu’elle dit sur le mystère, et // les amours multiples, pour elle qui // n’est ni épouse, ni mère me paraît // fort juste. // Il n’en n’est point de même de ce // qu’elle dit de la nécessité de l’épreuve. // C’est qu’il faut admettre une éducation // donnée de longue main avec indivi- // dus des deux sexes, pour les prépa- // rer aux fonctions matérielles [ajout interlinéaire :] aussi bien qu’aux fonctions morales de la // vie d’époux et d’épouses. Et alors // les inconvénients qui existent aujourd’hui, // s’ils ne disparaissent pas entièrement // seront du moins fort atténués.
[Post scriptum :] Pendant mon séjour à Ménilmontant Claire Démar // qui y venait quelques fois aux jours publics, s’était éprise de // moi ; ce sentiment s’exprimait avec une grande réserve ; j’ai // toujours paru l’ignorer.
[//] Indique le retour à la ligne.
[Suivi de :]
Le procès des apôtres de Saint-Simon, condamnés par la cour d’assises de la Seine en 1832; fragments du discours prononcé par le Père Enfantin.
(Le jury rendit un verdict affirmatif sur toutes les questions. La cour condamna Enfantin, Duveyrier et Michel Chevalier chacun à un an de prison et 100 francs d’amende, Olinde Rodrigues et Barrault à 50 francs d’amende, avec saisie des écrits et dissolution de la Société).
Un ensemble de deux feuillets manuscrits originaux sans date ni lieu, non signés du même scripteur (Enfantin) portant les titres de marge suivants : « Le procès page 224-225. », « Le procès page 227-229. (suite) »
Deux feuillets in-douze non chiffrés. Écriture personnelle. Une cursive serrée mais lisible à l’encre marron sépia (folio recto uniquement) sur papier de chiffon vergé ancien écru non rogné à grammage moyen. L’écriture est inclinée à droite, rectiligne, naturelle. Quelques surlignures. Absence de filigrane.
1. Manuscrit original de Prosper Enfantin (vingt-huit lignes y compris le titre courant).
« Le procès page 224-225.
Le moyen de guérir l’immoralité épouvan- // table qui pèse si cruellement sur la classe la // plus pauvre et la plus nombreuse, mais // aussi qui désole si douloureusement la classe // la moins pauvre et la moins nombreuse, // c’est de rendre justice éclatante à une puissance // qui jusqu’ici n’a été employée qu’à oppri- // mer, à tromper, à démoraliser, et qui doit // et peut être salutaire, vraie et moralisante. Je parle de la puissance de la Beauté, // c’est aussi parler de celle de la femme… »
- Correspondance pour l’édition imprimée à l’adresse de la Librairie Saint-Simonienne, Paris, 1832 : page 224, ligne 17 (lien infra).
2. Manuscrit original de Prosper Enfantin (trente-et-une lignes y compris le titre courant).
« Le procès page 227-229. (suite)
Dieu a conduit ma vie d’une manière toute spéciale et // privilégiée pour me faire sortir, connaître et pratiquer // ces relations. Je lui rends grâce de m’avoir inspiré la foi // que ma vie était utile au bonheur des femmes, et à elles // aussi je rends grâce pour la confiance que leur affection // m’a donnée dans la sainteté et la puissance de ma mission… »
- Correspondance pour l’édition imprimée à l’adresse de la Librairie Saint-Simonienne, Paris, 1832 : page 228, ligne 13 (lien infra)
Source NYPL. Le texte imprimé in-extenso en ligne sur internet : https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=nyp.33433075925739&view=1up&seq=235&skin=2
La plupart des saint-simoniens, quoique préoccupés par-dessus tout des intérêts matériels et de l’organisation du travail, avaient des aspirations vers le mysticisme. Ils avaient un Père dans la « maison » chargé de cette besogne : Prosper Enfantin. Persuadés qu’Enfantin avait des visions dans le monde surnaturel, ils assistaient à ses prédications avec une ferveur dévote.
Un feuillet manuscrit original sans date ni lieu, non signé du même scripteur (Enfantin) ayant comme titres de marge suivant : « Prédications tome II p. 342. »
In-douze non chiffré. Écriture personnelle. Une cursive serrée mais lisible à l’encre marron sépia (folio recto uniquement) sur papier de chiffon vergé ancien écru non rogné à grammage moyen. L’écriture est inclinée à droite, rectiligne, naturelle. Quelques surlignures. Absence de filigrane.
3. Manuscrit original de Prosper Enfantin (trente-quatre lignes y compris le titre courant).
« Prédications tome II p. 342.
Oui, les filles publiques ! et pourquoi craindrais- // je d’en parler devant vous ? ah ! mesdames, les filles // publiques ce sont aussi des femmes. Hélas ! je me // trompe : celles qui ne seront jamais épouses chéries // et mères respectées, ce ne sont pas pas des femmes ! ce // ne sont que des filles ! mais enfin ce sont les filles // du peuple. Oh ! qui donc a cru, dans je ne sais quelle // brochure publiée, il y a six mois contre les prétendus // disciples de Saint-Simon, qui donc espérait nous // écraser en jetant au monde, sous un style d’apoca- // lypse, cette prévision, que nous plongerions jusqu’à // la septième boue pour y chercher la chair banale // des carrefours. Cette chair, n’est-ce donc pas la chair // du peuple ! oh ! oh ! le peuple ! le pauvre peuple ! … »
- Correspondance pour l’édition imprimée à l’adresse de Johanneau, Libraire, Paris, 1832 : page 342, ligne 10 (lien infra)
Source GALLICA. Le texte imprimé in-extenso en ligne sur internet : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61324787
Quelques figures féministes des années 1830
– Flora Tristan qui n’était pas saint-simonienne mais fut influencée par la doctrine et rencontra des saint-simoniens. C’est la féministe la plus connue de cette époque.
– Eugénie Niboyet (née Mouchon [1800-1882]), responsable au sein de la doctrine avant la scission, fondatrice d’un journal et d’une Athénée des femmes à Lyon en 1833, elle joue un rôle important en 1848 qu’elle minimisera par la suite, traductrice de Dickens, inspectrice des prisons sous le Second Empire.
– Reine Guindorf, saint-simonienne, ouvrière lingère, fondatrice du journal La femme Libre, séjournera en Angleterre où elle se rapprochera des Owenistes, avant de devenir Fouriériste. Elle se suicide en 1837.
– Désirée Veret (1810-1891), ouvrière saint-simonienne, co-fondatrice du journal La femme Libre, se rapprochera aussi des Owenistes, puis des Fouriéristes, membre de l’Internationale où elle préside la section des femmes. Elle finit sa vie en exil à Bruxelles.
– Suzanne Voilquin (1801-1877), féministe saint-simonienne, rédactrice, puis directrice du journal La femme Libre, voyage en Égypte, en Russie, en Louisiane, exerce le métier de sage-femme, s’intéresse à l’homéopathie.