FABRI Viel schöne christliche. Un rarissime livre de prières en allemand
Un volume rare de l’imprimerie allemande de la fin du XVIe siècle
Sous la plume de l'historienne de l'art Ilona Hans-Collas.
FABRI (Jean).
Viel schöne christliche unnd andächtige Gebett, zu Trost und heil den Gläubigen, auß heiliger Schrifft, und auß dem h. Augustino zusammen getragen, und jetzt zum offtermahl mit etlichen gar schönen andechtigen Gebetlein, gemehret und gebessert.
Durch. D. Johann Fabry von Hellbrun, Thumprediger zu Augspurg.
[Traduction du titre : « De nombreuses belles prières chrétiennes et dévotionnelles, pour le réconfort et le salut des fidèles, de la Sainte Écriture et de saint Augustin, réunis et maintenant augmenté et amélioré de plusieurs belles petites prières de dévotion.
Par Johann Fabry de Heilbronn, prédicateur à Augsbourg ».]
Composé à Augsbourg en février 1549 et imprimé à Cologne en 1594.
33 gravures sur bois ornent le volume. Certaines images se répètent et sont utilisées jusqu’à quatre fois dans le volume. On compte néanmoins 21 bois différents.
Exemplaire très rare du XVIe siècle, en langue allemande, regroupant de nombreuses prières, illustré d’une trentaine de gravures sur bois, localisé, daté et avec sa reliure d’origine.
Vendu
Sold
Papier, 2 feuillets de garde (récents) + 8 (dont frontispice et dédicace) + 178 + 7 feuillets (ces derniers comprenant la table de matières et le colophon) + 3 feuillets de garde (récents), 122 x 70 mm, justification 88 x 55 mm, 19-20 longues lignes (parfois centrées). Cahiers de 12 feuillets. Foliotation, en lettres (en bas des pages : A i, A ii, etc.) et en chiffres arabes (en haut des feuillets, parfois comprenant des erreurs (chiffres inversées ou erronées) mais le texte ne présente pas de lacunes. Traces de ciselure sur les tranches.
Reliure ancienne, originale, cuir brun sur ais de bois, 130 x 75 mm, traces de fermoirs, deux plats identiques au décor estampé composé de motifs de tresse qui forment une fine bordure rectangulaire, fleurs de lis aux angles. Au centre de chaque plat figure le monogramme IHS inscrit dans un médaillon orné, de forme ovale. Fin XVIe siècle.
État de conservation : plusieurs feuillets au début et en fin de volume sont endommagés (trous) à quelques endroits (notamment au niveau des anciens fermoirs), petits trous de ver à certains endroits (dans la partie texte, mais affectant également les premières gravures) et petites déchirures sur les bords.
Reliure partiellement restaurée (bords extérieurs refaits), quelques trous de ver.
Provenance : pas d’indices sur les anciens possesseurs du volume. Les anciens feuillets de garde et les contregardes ne sont pas conservés ayant été peut-être remplacés lors de la restauration de la reliure.
Contenu :
Écriture gothique allemande (appelée aussi Fraktur). L’orthographe de certains mots peut varier. Réclames. Titre courant en haut des feuillets : Christliche Gebet (« prières chrétiennes »).
Chaque feuillet (au recto et au verso) est entouré d’une petite bordure décorative composée de motifs en forme de « S ». Certaines initiales sont plus développées et ornées de fioritures, prenant la hauteur de deux ou de trois lignes.
Le petit ouvrage est une compilation de prières dévotionnelles, exclusivement en allemand. Le texte est imprimé à l’encore rouge et noire, le rouge étant réservé au frontispice pour le début du titre et le nom de l’auteur, Jean Fabri.
Celui-ci livre le lieu de rédaction et la date de la compilation au début du volume, dans le discours dédicatoire (appelée Epistel) qui se termine au verso du feuillet A iiii : Augsbourg, 12 février 1549 (Augspurg den 12. Februarii Anno 1549).
L’auteur recommande à chaque chrétien de prier en tout temps, en période de paix ou de guerre, et en toute circonstance. L’œuvre appartient certainement à la Préréforme même si l’intention exprimée dans le prologue est clairement orientée anti-Réforme quand l’auteur parle du « poison de l’erreur » qui « en ce temps terrible conduit à la corruption ».
L’ouvrage est donc à placer dans le contexte germanique de la Réforme et de la Contre-Réforme. La cité d’Augsbourg, l’une des grandes villes impériales de l’Empire germanique, y joua un rôle particulièrement important. Charles Quint y réunit la diète en 1530, puis en 1546, et y impose l’Interim, le rétablissement des rites catholiques (voir bibliographie, Vogler dans La Réforme dans l’espace germanique).
Il ne s’agit donc pas d’un livre de prières de type « livre d’heures », à savoir un ouvrage destiné aux laïcs pour prier aux heures canoniales (matines, laudes, prime, etc.) et aux différents offices (office de la Vierge, office des morts, etc.), souvent écrit en latin mais aussi en langue vernaculaire, mais d’un recueil composé d’un grand nombre de prières. Celles-ci se succèdent sans ordre apparent (alors que les séquences dans les livres d’heures répondent à une structure et un ordre bien définis, suivant généralement l’usage liturgique d’un diocèse précis).
Ici les prières sont librement agencées. Elles sont indiquées pour toutes sortes de situations et de circonstances (peur, discorde, maladie, pour demander la paix, etc.). Le style d’écriture est clair et simple, donc accessible à tout fidèle.
Les illustrations semblent également choisies librement. Une trentaine de gravures accompagnent le texte, s’adaptant à la prière, sans ordre particulier non plus.
Les autres exemplaires du même titre (voir plus loin, notamment exemplaires numérisés), proposent des cycles proches, mais ne présentent pas les mêmes gravures ni le même nombre ou le même ordre. Ils ont été édités à des dates différentes et imprimés chez des éditeurs différents (d’où résultent sans doute les petites variations dans le titre).
La table des matières en fin de volume porte le titre Register oder Inhalte der andechtigen Gebett so in diesem Büchlein zu trost den lieben Christen beschrieben seindt (« Registre ou contenus des prières dévotionnelles écrites dans ce livret pour la consolation des chers Chrétiens »).
Cette liste, très détaillée, donne les titres de toutes les prières, soit 161. Les formules sont relativement courtes, certaines prenant un caractère de méditation. L’auteur insiste sur l’adjectif « andächtig » qui signifie de manière recueillie, dévote, dévotionnelle. Les premières prières sont le Notre Père, la salutation angélique, le Credo, les dix commandements, etc. Le volume contient des prières adressées au Christ, très nombreuses, à la Vierge, aux anges et aux saints mais aussi des extraits de la Sainte Écriture et des écrits de saint Augustin, évêque d’Hippone (354-430), docteur de l’Église latine et l’un des quatre Pères de l’Église. Les références de ses œuvres sont données par les titres en latin : Ex libro Meditationum (p. ex. f. 4) et Libro Soliloquiorum, suivis du numéro de chapitre de l’œuvre.
Parmi les saints évoqués citons saint Basile (f. 55), sainte Agnès (f. 56), saint Athanase (f. 58), Job (f. 58 v°), saint Paul (f. 59), saint Corneille, martyre (f. 59 v°), etc. On y trouve aussi une prière contre les Turcs (f. 63) ou pour ceux qui sont « dans l’erreur de la Foi ». En revanche, l’ouvrage ne contient pas d’indulgences.
Les prières sont destinées à tout chrétien, humble devant Dieu, sensé se tourner vers Lui, dans la vraie foi ; des prières à dire à tout moment de la journée et en toutes circonstances (le matin, au coucher, avant et après le repas, avant et après le sermon, au moment de la confession, à différents moment de la messe) pour obtenir secours, grâce miséricorde et rémission des péchés.
Ce type d’ouvrage, issu d’une tradition médiévale, est courant à la fin du Moyen âge. Toutefois, le titre du présent exemplaire semble assez rare par rapport à d’autres ouvrages dévotionnels de l’époque et plus particulièrement ceux de Jean Fabri.
Frontispice, prologue et colophon :
1. Feuillet frontispice comprenant le titre en allemand.
Traduction du titre :
« De nombreuses belles prières chrétiennes et dévotionnelles, pour le réconfort et le salut des fidèles, de la Sainte Écriture et de saint Augustin, réunis et maintenant augmenté et amélioré de plusieurs belles petites prières de dévotion.
Par Johann Fabry de Heilbronn, prédicateur à Augsbourg ».
2. Feuillet comprenant la dédicace de Johann Fabri au seigneur Johann de Lier (feuillet Aii) :
An deß Wolgebornen Herren, Herren Johan von Lier, Herren zu Berchen, Rö. Key. May. etc. Rahts, Obersten Kriegs Commissarien in Teutschlanden, verordneten Statthalter, ihr Mayestet Fürstenthumb Lützenburg, unnd der Grafschaft Chini, Obersten uber ein Ordinari benden Reuter, etc. Diener unnd Secretarien, Jörgen von Espelpach. Wünscht F. Johannes Fabri von Heilbrun Thumprediger zu Augspurg, Gnad unnd Frieden durch Jhesum Christum unsern Herren.
Traduction de la dédicace
« Au noble seigneur, seigneur Jean de Lierre, seigneur de Berchem, du Conseil de Sa Majesté romaine et impériale etc., du plus haut commissariat de guerre en Allemagne, ordonné gouverneur, de sa Majesté de la principauté du Luxembourg, et du comté de Chiny, supérieur de la cavalerie ordinaire (?*) etc., serviteur et secrétaire, Jörgen von Espelbach. Souhaite F. Jean Fabri de Heilbronn, prédicateur à la cathédrale d’Augsbourg, grâce et paix par Jésus Christ notre Seigneur. »
[traduction incertaine de Ordinari banden Reiter]
3. Feuillet du colophon avec le lieu et date d’édition
Le colophon en fin de volume (dernier feuillet, verso) livre le nom de la ville où le volume a été imprimé et la date : Gedruckt zu Cölln in der Bechergassen in S. Merten. M. D. XCIIII :
« Imprimé à Cologne dans la ruelle des gobelets en Saint Martin, 1594 ».
Le quartier de l’imprimeur est celui de Saint-Martin, non loin de la cathédrale.
Le nom de l’imprimeur n’est pas indiqué.
Notons que parmi les imprimeurs colonais qui ont édité des œuvres de Jean Fabri dans la seconde moitié du XVIe siècle figurent Maternus Cholinus (1558), Io. Quentel (1562), Arn. Birckmannus (1562).
À propos de l’auteur :
Johann Fabri / Jean Fabri (Johannes Fabri, Fabry ou Faber), 1504-1558.
Auteur allemand, dominicain (ordre mendiant des Frères prêcheurs), théologien et prédicateur, du XVIe siècle.
Date et lieu de naissance : 1504, à Heilbronn (ville au bord du Neckar, Allemagne du Sud, aujourd’hui Land de Bade-Wurtemberg).
Sa ville natale lui sert de distinctif car il se nomme Johann Fabri de Heilbronn (ce qui le distingue d’autres auteurs du même nom).
Jean Fabri rentra dans l’ordre des Dominicains vers 1520, à Wimpfen, près de Heilbronn.
Études à Cologne (1535), à l’université de Fribourg-en-Brisgau (1539-1540) où il obtint le titre de bachelier en théologie et à l’université d’Ingolstadt où il obtint en 1552 le titre de docteur en théologie.
Il remplit des fonctions de prédicateur à la cathédrale d’Augsbourg en 1534 et de 1549 à sa mort en 1558. Depuis 1527, la Réforme zwinglienne prit le dessus dans cette ville. En 1534, le sermon catholique lui fut interdit à Augsbourg. Fabri a fait partie des ecclésiastiques catholiques qui s’exilent. Il quitta la ville en 1535 pour d’autres villes impériales et s’établit en Rhénanie et en Alsace.
Le Magistrat de Colmar choisit Fabri pour prêcher dans la cité dès l’automne 1539 pour lutter contre les influences protestantes de plus en plus grandissantes (voir bibliographie, Von Greyerz, 2013, p. 19-20). Fabri prêcha à Colmar jusqu’en 1545, date à laquelle il se rendit à Sélestat pour y devenir le prieur et prédicateur des Dominicains (1545-1547).
Auteur de nombreuses œuvres théologiques. Défenseur de la foi catholique dans la lutte contre la Réforme. Ses écrits, en allemand et en latin, notamment rédigés à Augsbourg, se tournent contre les Anabaptistes et les Luthériens.
Mort le 27 février 1558, Jean Fabri fut enterré dans l’église dominicaine d’Augsbourg.
Ses ouvrages sont publiés dans plusieurs villes comme Augsbourg, Cologne, Dillingen, Ingolstadt, Paris, Anvers, Louvain, Genève, notamment au cours du XVIe siècle, plus rarement au XVIIe siècle.
Parmi ses œuvres :
- De Missa evangelica et de veritate corporis et sanguinis Christi in Eucharistiae sacramento
- Enchiridion sacrae Bibliae
- Fructus quibus dignoscuntur haeretici, eorum quoque nomina ex Philastro, Epiphanio, Augustino, Eusebio, etc., et quibus armis devincendi
- Joelis prophetia proconcione explicata
(titre en allemand : Johel der Prophet, Christenlich unnd trewlich, zu besserung der glaubigen außgelegt und geprediget)
- Via regia, quo itinere fidelis debeat ambulare, ut ad sempiternam requiem & pacem perveniat
(titre en allemand : Der rechte Weg)
Son œuvre principale, publiée en allemand en 1555, à Dillingen, porte sur la messe : Was die evangelisch Mess sey : grundtliche und christenliche Anzaigung. Différentes éditions existent (voir exemplaire numérisé de 1569 de la bibliothèque de Zurich (Zentralbibliothek Zürich), Ro 450 ; http://dx.doi.org/10.3931/e-rara-35578).
Jean Fabri rédigea le texte du présent exemplaire Viel schöne christliche unnd andächtige Gebett … en février 1549, après son séjour alsacien, à son retour dans la ville d’Augsbourg. Plusieurs éditions existent de ce recueil. La cinquième édition fut publiée à Cologne en 1558 (voir exemplaire numérisé sur le site de la bibliothèque de Munich ; http://www.mdz-nbn-resolving.de/urn/resolver.pl?urn=urn:nbn:de:bvb:12-bsb11081755-7.
D’autres sont encore plus tardives, comme la présente édition, imprimée également à Cologne, en 1594.
Identification du dédicataire : Johann de Lier (Jean de Lierre)
Il est désigné comme seigneur de Berchem, gouverneur du duché de Luxembourg et du comté de Chiny. Il occupa, semble-t-il, de hautes fonctions au Conseil de l’empereur (Charles-Quint) et dans l’armée (haut-commissariat de guerre).
Jean de Lierre a été identifié sur une médaille, probablement allemande (voir bibliographie De Dompierre de Chaufepié). L’avers de celle-ci montre un homme barbu et le revers les armoiries « d’argent à trois fleurs de lis au pied coupé, de sable »; au milieu, les armoiries de Berchem « d’argent à trois pals de gueules »; sur le casque, deux jambes de cheval. Les inscriptions en latin livrent le nom latin de la famille (Lirani) et la date de 1541.
De Dompierre de Chaufepié, se basant sur une généalogie consultée grâce au baron de Wassenaer Rosande, précise que Jean de Lierre fut chevalier, seigneur de Berchem, gouverneur du duché de Luxembourg, colonel-général de l’artillerie de l’empereur Charles-Quint et son ambassadeur à diverses cours.
Ces titres et fonctions semblent correspondre à ceux mentionnés dans la dédicace de Jean Fabri. Les fleurs de lis sur la reliure pourraient-elles faire référence aux armoiries de Berchem ? Est-il envisageable que le possesseur du volume soit lié à la famille de Lier et/ou à l’un des seigneurs de Berchem ?
Johann von Lier est également attesté, avec les mêmes titres (seigneur de « Bergheim », haut commissaire, gouverneur de Luxembourg, etc.) et sa haute fonction d’ambassadeur de l’Empereur, dans plusieurs documents d’archives datés d’avril 1547 en rapport avec le comte Ulrich de Würtemberg (voir bibliographie Reichs-Ständische Archival-Urkunden).
Une autre personne est mentionnée dans la dédicace : Jörgen von Espelbach.
Il pourrait s’agir de Georg von Espelbach (1512-1575). Il est notamment attesté pour l’année 1547 (http://kalliope-verbund.info/DE-611-HS-2630369). Son effigie est connue par une médaille allemande de 1557 (http://collections.vam.ac.uk/item/O94194/georg-von-espelbach-medal-master-of-the/). Noble, il fait partie, semble-t-il du commissariat de guerre, comme Jean de Lier.
Illustrations :
33 gravures sur bois ornent le volume. Certaines images se répètent et sont utilisées jusqu’à quatre fois dans le volume. On compte néanmoins 21 bois différents.
La plupart des gravures sont de format rectangulaire d’une vingtaine à une cinquantaine de millimètres de côté (h. 30 à 46 mm et l. 28 à 56 mm).
Deux images font exception : un petit médaillon rond (32 mm de diamètre) sur la page frontispice et une gravure pleine page (83 x 59 mm) en regard de la page de dédicace.
L’iconographie des gravures qui illustrent les prières, les invocations et les courts textes édifiants se réfère à l’Ancien Testament (Genèse, Exode), au Nouveau Testament (Évangiles, actes des apôtres), et plus rarement aux récits hagiographiques. Les scènes liées à la vie et la passion du Christ sont les plus fréquentes. Celle de la Crucifixion (ou Christ en croix) se rencontre quatorze fois.
L’état de conservation des bois utilisés est variable mais, d’une manière générale, les gravures sont bien lisibles.
Description :
[Remarque : derrière l’indication du feuillet est transcrit le titre (en italique) de la prière (sorte de rubrique qui précède l’illustration), suivi de sa traduction ; puis est donné l’identification iconographique de la gravure].
Frontispice [f. A i] : Rondel en bas du feuillet, sous le titre, le nom et la fonction de l’auteur Jean Fabri. Il montre le Christ en croix entre les deux larrons. À droite, un homme priant est agenouillé au pied de la croix. À gauche, une femme, agenouillée et levant les bras, semble évoquer Marie-Madeleine. Un paysage vallonné à l’arrière-plan, avec quelques constructions.
Frontispice verso, face à la dédicace [f. A i v°] : Pleine page. Christ en croix. Le Christ porte la couronne d’épines et le périzonium. La croix est plantée dans le sol devant un paysage formé de montagnes. Le soleil et la lune dans le ciel, de part et d’autre du Christ.
F. non paginé, recto (Das allerheiligste Gebett so uns Christus Jhesus der lebendige Son Gottes selbs gelehret hat. Mat.vi …Vatter unser … ; La très sainte prière comme Jésus Christ, le Fils de Dieu lui-même nous l’a appris. Mat. VI … Notre Père…) Le Christ, debout, au milieu d’hommes en prière, tous agenouillés. Il enseigne. La référence biblique indiquée évoque le ministère de Jésus en Galilée et notamment l’enseignement de la prière. La place de cette image au début du volume est donc tout à fait justifiée.
F. non paginé, verso (Der Englisch Gruß. Gegrüsset seyst du Maria… ; La salutation angélique. Je vous salue Marie…) Annonciation. L’ange Gabriel surprend la Vierge lisant. Le vase portant le lis au sol et la sainte colombe rayonnant entre les deux.
F. 1 (Der Christliche Apostolisch Glaube ; La foi chrétienne apostolique - le Credo) Dieu, créateur du monde.
F. 1 v° (Die ziehen Gebott, die uns Gott gegeben hat ; les dix commandements que Dieu nous a donnés) Moïse reçoit les tables de la Loi. Agenouillé sur une colline, il tient les tables que Dieu le Père, apparaissant dans le ciel, lui a données. Des tentes sont dressées dans la partie gauche de l’image.
F. 5 v° (Ein sehr andechtge demütige bekentnuß vor Gott offt zu sprechen ; Une très humble confession, à dire souvent devant Dieu) Christ en croix, l’inscription INRI au-dessus de la traverse. Une ville (Jérusalem) et un paysage composé de hautes collines meublent l’arrière-plan.
F. 13 v° (Zu der Sext zeit. O Herr Jesu Christe der du zu der sechsten tagesstunde ; à sexte, O seigneur Jésus Christ qui à la sixième heure de la journée) Un Christ en croix entre la Vierge et saint Jean illustre la prière qui fait référence aux souffrances du Christ.
F. 14 v° (Zur Vesperzeit ; à vêpres) Descente de croix. À droite, la Vierge soutenue par saint Jean s’évanouit.
F. 16 v° (Ein schön Gebett in dem der arme Sünder gnad begert ; Une belle prière par laquelle le pauvre pécheur aspire à la grâce). Trône de Grâce. Dieu le Père trônant, soutient devant lui la croix qui porte le Fils. Entre les deux, la sainte Colombe. Quatre angelots entourent la composition. De larges rayons partent du nimbe du Père.
F. 19 v° (Ein sehr andechtig Gebet in dem wir Gott ermanen seines bitteren Leidens ; Une prière très dévote par laquelle nous implorons Dieu pour sa grande souffrance) Christ en croix (partie gauche de l’image) ; à côté de la croix (partie droite de l’image) figurent, debout, un homme en costume laïc (sans nimbe) et une femme à la tête auréolée, sans doute la Vierge.
F. 21 (Was in dem Ampt der heiligen Meß gehandelt wirdt ; Ce qui se passe au moment de la sainte messe) Messe de saint Grégoire. Le pape est agenouillé devant l’autel sur lequel est posé le calice. Le Christ souffrant apparaît au-dessus de l’autel, avec les instruments de la passion (colonne, lance, éponge, marteau, tenailles, clous). À droite, se tiennent un diacre et un cardinal qui porte la tiare du pape Grégoire.
F. 29 v° (Ein andechtig Gebet vor der niessung des Sacraments ; une prière dévote avant la prise du « Sacrément » – communion) Dernière Cène. Les apôtres entourent le Christ. Judas tient la bourse qui évoque sa trahison.
F. 34 (Ein andechtig Gebet des h. Augustini in dem er begert die fürbit der lieben heiligen ; Une prière dévote de saint Augustin par laquelle il implore l’intercession des saints) La pêche miraculeuse. Plusieurs bateaux sur la mer avec le Christ et les apôtres qui sont en train de remonter un grand filet. De nombreux spectateurs assistent au miracle depuis la rive. Dans un bateau à l’avant-plan, le Christ fait un geste de la main droite qui pourrait signifier l’appel des apôtres.
F. 42 (Ein andechtig Gebet vor dem Creuz Christi ; Une prière dévote devant la croix du Christ) Crucifixion (comme f. 19 v°)
F. 44 v° (Ein sehr andechtig Gebet in dem wir uns Gott befehlen ; Une prière très dévote pour se donner à Dieu) Christ enseignant au milieu d’hommes en prière (comme le f. non paginé du début)
F. 45 v° (Von der Beicht und Buß ; De la confession et de la pénitence). Scène de confession. Un homme barbu se prosterne devant un religieux assis. Un autre homme écoute derrière un muret sur lequel figurent les initiales I et F, liées, possible allusion à l’auteur du volume Johann Fabri.
F. 51 v° (Ein sehr andächtig Gebet von dem tröstlichen manen Jesu ; Une prière très dévote de Jésus consolant) Adoration des Mages. Le premier roi a posé sa couronne à terre et se met à genoux devant la Vierge à l’Enfant. Derrière elle, saint Joseph. Les deux autres rois mages à proximité. L’étoile brille en haut de l’image.
F. 62 v° (Ein andechtig Gebet zu sprechen, barmherzigkeit zu erlangen ; Une prière dévote à dire pour obtenir miséricorde) Christ en croix (comme f. 5 v°).
F. 66 (Ein schön Gebet auß dem h. Augustino das uns Gott gnedig sey umb seines Sons willen - Ex libro Meditationum, Cap. 6 ; Une belle prière extraite de saint Augustin pour que Dieu nous soit en aide au nom de son Fils) Christ en croix (comme f. 5 v°).
F. 75 (Ein kurz Gebett von dem Leiden Jhesu Christi ; Une prière courte sur la souffrance de Jésus Christ) Crucifixion (comme f. 19 v°)
F. 94 (Ein andechtig bekentniß des armen sünders vor Gott mit dem verlornen Son, Luc. 15 ; Une confession dévote d’un pauvre pécheur devant Dieu, avec le fils prodigue, Luc 15). À l’arrière-plan, le fils est agenouillé au pied d’un autel alors que le Père (un vieillard barbu) s’approche, se tenant derrière une colonne.
F. 103 v° (Ein andechtig Gebet des h. Augustini vor eim Cruxifix zu sprechen in dem der Mensch bekent das et ein ursach sey des bittern tods Christi - Ex libro Meditationum, Cap. 7 ; une prière dévote de saint Augustin, à dire devant un crucifix, dans lequel l’homme reconnaît qu’il est la cause de la mort du Christ). Crucifixion (comme f. 13 v°).
F. 114 v° Une autre prière, issue de saint Augustin (Ex libro Meditationum, Cap. 18). Crucifixion (comme f. 19 v°).
F. 125 (à rectifier en f. 131) (Ein ander Gebet des h. Augustini daß sich der zukünfftig Richter über uns erbarme - Ex libro Meditationum, Cap. 38 ; Une autre prière de saint Augustin pour que le futur Juge ait pitié de nous) Jugement dernier. Le Christ rayonnant est assis dans le ciel, sur une grande nuée qui jouxte le soleil et la lune d’où émanent également de larges rayons. Il surplombe la mer où naviguent plusieurs bateaux ; des hommes en adoration sur la rive.
F. 143 v° (Ein andechtig Gebett auß dem Job in Kranckheit zu sprechen ; Une prière dévote du livre de Job à dire en cas de maladie) Le Christ guérissant un possédé. Deux hommes amènent un malade qui se tord. Le Christ, suivi d’un apôtre, s’approche du groupe et le bénit.
F. 146 (Sehr andechtige krefftig Gebetlein von dem allerheilsamesten bitteren leiden Jesu Christi. Sancti Gregorii Papae ; Une très dévote et forte petite prière de la salutaire et grande souffrance de Jésus Christ) Christ en croix (comme f. 5 v°).
F. 150 (Ein gar krefftigs kurtz andechtigs Gebetlein von dem bitteren leiden Jesu Christi ; Une forte, brève et dévote petite prière de la grande souffrance de Jésus Christ) Crucifixion (comme f. 13 v°).
F. 165 v° (Eine sehr andechtige Betrachtung und Gebet von den siben Schmerzen Marie der gebenedeiten Mutter Gottes ; Une très dévote contemplation et prière sur les sept douleurs de Marie, de la Mère de Dieu bénie) Pentecôte. La Vierge assise parmi les apôtres ; la sainte colombe, rayonnante, plane au-dessus de l’assemblée.
F. 169 (So Mann das Ave Maria oder Englischen gruß Morgens und Abends leutet, magst die Mutter Gottes also grüssen ; Quand les cloches sonnent l’Ave Maria ou la salutation angélique, le matin et le soir, il faut saluer la Mère de Dieu) Annonciation (comme au début du volume).
F. 170 (Ein sehr andechtig Gebet des h. Augustini in dem wir uns trösten das der Sohn Gottes ist Mensch worden - Ex libro Meditationum, Cap. 15 ; Une très dévote prière de saint Augustin qui nous console grâce au Fils de Dieu qui est devenu homme) Nativité du Christ. Scène d’adoration autour de l’enfant Jésus couché au sol. Marie et Joseph recueillis, les bergers à proximité.
F. 173 (So du die Meß hörest, bette also : Almechtiger ewiger barmherziger Gott… ; Quand tu écoutes la messe, prie ainsi : Dieu tout puissant, éternel, miséricordieux…) Messe de saint Grégoire (comme f. 21).
Feuillet de colophon, verso : Christ en croix entre la Vierge et saint Jean (comme f. 13v)
Style et sources des gravures :
Les gravures sont anonymes. Elles semblent dater d’époques différentes. Certaines remontant au XVe siècle ont certainement encore servi à des périodes postérieures. Tel est le cas de la gravure de la Messe de saint Grégoire datée des années 1495-1500. Elle est d’origine rhénane et se trouve notamment dans l’ouvrage Liber fraternitatis rosacae coronae, en honneur de la Vierge Marie, imprimé à Cologne par Johann Landen, vers 1500
(voir http://gregorsmesse.uni-muenster.de/objektanzeige.php?ID=33666&-skip=bciqedpq).
La Descente de croix et la Pentecôte appartiennent également à ce premier type de gravures sur bois de la fin du XVe siècle. D’autres, en revanche, comme le rondel du frontispice, accusent clairement un style du XVIe siècle. On le voit dans la composition mais aussi dans le costume des personnages.
La gravure en pleine page, placée en face de la dédicace, est un autre exemple du style de la Renaissance dans les pays germaniques. Elle présente une manière plus épurée mettant l’accent sur le Christ en croix qui occupe toute la hauteur de l’image. Ce Christ évoque notamment les gravures de Hans Baldung Grien ou d’Albrecht Dürer des années 1510, sans toutefois atteindre la qualité de celles-ci. Ici la position de la croix reste bien frontale et les larges plages de lignes horizontales simplifient la composition.
La plupart des petites gravures présentent une grande densité d’image : personnages et paysages remplissent la totalité de l’espace. Celles où l’architecture prend plus d’importance, comme par exemple l’image du Fils prodigue, sont plus aérées.
Certaines compositions sont assez originales et peu fréquentes, comme la pêche miraculeuse, la scène de confession ou celle du Jugement dernier. Pour cette dernière, le graveur choisit de placer le Christ juge dans le ciel et des personnes en adoration sur la rive. Dans d’autres images, la mise en scène est assez dynamique mettant l’accent sur l’action proprement dite, tel le Christ guérissant un possédé.
D’une manière générale, un style varié caractérise les nombreuses gravures, probablement tirées de sources différentes.
Le présent exemplaire, en apparence assez modeste, offre un contenu textuel riche, augmenté de gravures de qualité. Il reflète une vision des pratiques de dévotion individuelle et catholique dans un contexte religieux précis, marqué par la Réforme en Allemagne. Son auteur, Jean Fabri, célèbre prédicateur d’Augsbourg, propose cette compilation de prières destinées à l’édification du fidèle, pour son secours, son réconfort et son salut. Son petit livre montre l’action du dominicain à travers les villes impériales de l’Empire germanique. L’indication du dédicataire, du lieu et de la date font de ce livre un volume rare de l’imprimerie allemande de la fin du XVIe siècle.
Ilona Hans-Collas
Ilona Hans-Collas est docteur en histoire de l’art (université Marc Bloch, Strasbourg). Elle a mené des recherches à la Bibliothèque nationale de France (Paris) et à l’Institut royal du Patrimoine artistique (Bruxelles).
Elle est spécialiste de la peinture murale de la fin du Moyen Âge et est présidente du Groupe de Recherches sur la Peinture Murale (GRPM).
Elle est co-auteur du catalogue raisonné des manuscrits enluminés dans les anciens Pays-Bas méridionaux conservés à la BnF et a été co-commissaire de l’exposition Miniatures flamandes 1404-1482 (BnF, 2012).
Récemment, elle a été co-commissaire de l’exposition Le Livre et la Mort, XIVe-XVIIIe siècle, présentée à Paris, à la Bibliothèque Mazarine et la Bibliothèque Sainte-Geneviève, de mars à juin 2019.
Elle est présidente de l’association Danses macabres d’Europe (DME), membre correspondant de l’Académie nationale des sciences, arts et lettres de Metz et membre correspondant de l’Académie royale d’archéologie de Belgique.
Ses nombreuses publications portent sur le livre ancien et la peinture murale avec un intérêt tout particulier pour le Moyen-Âge et la Renaissance ainsi que pour l’iconographie religieuse et profane.
Nous tenons à la remercier d'avoir prêté sa plume pour cet article.