LA FONTAINE. Fables choisies
Cet exemplaire est enrichi du portrait de Jean-Baptiste Oudry gravé par Tardieu d’après le tableau de Nicolas de Largillière (1656-1746) alias le Van Dyck français.
La signature du relieur est frappée en tête de chaque volume : « Francois ASTOMER ».
LA FONTAINE (Jean de). Fables choisies, mises en vers
A Paris, Chez Desaint & Saillant, Durand, 1755-1759 [1760].
De l’Imprimerie de CHARLES-ANTOINE JOMBERT.
4 volumes in-folio ; 1 portrait de Jean-Baptiste OUDRY d’après LARGILLIÈRE en 1729 gravé par Jacques-Nicolas TARDIEU-1 frontispice orné d’un buste de La Fontaine par OUDRY et gravé à l’eau-forte par COCHIN-(2)-XXX-XVIII-124 pp., plus 70 planches hors texte ; (2)-II-135 pp., plus 68 planches hors texte ; (2)-IV-146 pp., plus 68 planches hors texte ; (2)-II-188 pp., plus 69 planches hors texte. Au troisième volume, pages 113, la planche de la fable Le Singe et le Léopard est en deuxième émission, en effet, la banderole comporte les mots Le Léopard.
Les quatre signets en tissu Satin rose de soie sont présents.
Un plein veau porphyre, dos à nerfs joliment orné et doré, caissons de fleurons dorés (fleurettes), filets or, palette dorée en tête et en pied, pièce de titre et de tomaison en maroquin rouge et vert, un triple filet doré d’encadrement sur les plats, un double filet or sur les coupes, tranches jaune paille, reliure de l’époque, UN BEL EXEMPLAIRE.
Une belle et rare reliure uniforme d'époque signée sur chaque volume : « FRANCOIS ASTOMER » (ou du collectionneur ? Le mystère reste entier.)
275 gravures gravées en taille-douce d’une incomparable finesse, le plus bel ensemble jamais conçu par un artiste.
L’ouvrage se compose de douze livres comprenant 245 fables illustrées d’un frontispice et de 275 planches d'après les dessins de Jean-Baptiste OUDRY, terminé par DUPUIS et gravés par Charles-Nicolas COCHIN*, second du nom, l’un des plus habiles maîtres de notre école française du XVIIIe siècle. En plus des 275 estampes gravées en taille-douce originales d’Oudry, chaque fable est précédée d’un cartouche et 210 culs-de-lampe gravés sur bois, dessinés par le peintre ornemaniste Bachelier, gravés par Le Sueur et par Papillon.
Cet exemplaire imprimé sur papier de Hollande est enrichi d’une belle épreuve, le portrait de Jean-Baptiste Oudry gravé par Tardieu d’après le tableau de Nicolas de Largillierre (1656-1746), alias le Van Dyck français ; publié au moment du décès, à soixante-neuf ans, du peintre. Ce portrait ne fait pas partie à l’origine de cette édition.
*Sous la direction du dessinateur-graveur Charles-Nicolas Cochin filius, entouré d’une pléiade de plus de quarante graveurs parmi lesquels: Aliamet, Aubert, Aveline, Baquoy, Beauvais, Beauvarlet, Cars, Chedel, Chenu, Chevillet, Choffard, Cousinet (Élisabeth), Dupuis, Duret, de Fehrt, Fessart, Galimard, Lebas, Lemire, Moitte, etc.
Format bibliographique : 425 x 290 mm
Vendu
L'un des premiers « livres de peintres », également l'un des trois grands livres illustrés du XVIIIe siècle.
Présentation & contexte
Au XVIIIe siècle, le public se passionna pour les illustrations. Des peintres et des graveurs fameux embellirent de toutes les façons les œuvres littéraires et de nombreuses suites d’estampes furent publiées. Entre les mains d’Oudry, le dessin de paysage devient l’occasion d’exprimer à la fois l’un des cadres de vie du siècle et l’évolution du sentiment. À titre d’exemple, la somptueuse et coûteuse aventure éditoriale, la grande édition des Fables de La Fontaine confiée à Charles-Antoine Jombert pour l’impression du texte et qui dura neuf années ! Elle nécessita une telle importance de fonds qu’on sollicita l’aide financière de l’Académie française, de la Cour et du roi Louis XV (un don de 80 000 livres tournois !) pour mener à bien cette monumentale entreprise artistico-littéraire et permettre ainsi au dernier volume, prévu pour octobre 1756, de paraître en 17601. Mille exemplaires furent imprimés sur papier de Hollande, dont quelques cent exceptionnels exemplaires de tirage de tête imprimés sur très grand papier. Réalisés entre 1729 et 1733, les deux cent soixante-seize dessins2 d’une exécution très soignée (dont un frontispice) à la plume et aux pinceaux inspirés des Fables de La Fontaine (l’artiste suivit l’ordre des fables et les illustra toutes) étaient destinés par le peintre, Jean-Baptiste Oudry, à une série de cartons de tapisserie, dessus-de-porte à la mode et panneaux décoratifs, pour les décorations des palais et des intérieurs princiers. Ils furent achetés en 1751 par le riche marquis Jean-Louis Regnard de Montenault qui décida de les éditer avec l’aide du banquier Darey. Illustration naturaliste fort bien exécutée (le peintre virtuose réussit à donner une expressivité humaine à ses animaux), les compositions d’Oudry sont retravaillées et retouchées au burin spécialement pour la gravure à l’eau-forte sous la direction artistique de Charles-Nicolas Cochin eques, alors à l’apogée de son talent comme de sa réputation. Les planches, réalisées par les quarante meilleurs graveurs du temps, conservent le format des originaux. Malgré ce soin extrême du détail et après toutes ces péripéties, le succès commercial n’est ni immédiat ni total. Quantité d’exemplaires ne trouvent pas preneur et restent alors non reliés.
1. L’édition en quatre volume in-folio coûta une vraie fortune : 300 livres tournois sur papier ordinaire et 400 livres tournois sur très grand papier.
2. À noter que Largillière et Oudry se servent encore du dessin à la mine de plomb (ce fut leur procédé le plus ordinaire) comme une étape d’étude pour leurs tableaux à l’huile.
Jean-Baptiste OUDRY (1686-1755), jamais peintre ne fut plus laborieux.
Les débuts de Jean-Baptiste Oudry furent lents et modestes. Enfant timide mais travailleur, il eut pour premier maître, en 1704, Michel Serre, cousin de Rigaud, qui peignait à la flamande. Puis après l’Académie de Saint-Luc, dont son père était directeur, Oudry, l’enfant doué, devint l’élève et l’ami de Largillière, chez qui il apprit beaucoup (particulièrement le portrait), copiant les Flamands et pratiquant le dessin d’après nature. En 1708, Oudry fut admis maître-peintre de l’Académie de Saint-Luc. Peu fortuné, il donnait des leçons de dessins. À cette époque, la mode était aux animaux ; Desportes y brillait, Oudry y triompha.
OUDRY, peintre de courre
Cette habileté fit d’Oudry le peintre officiel de la vénerie royale du roi Louis XV, il se consacra aussi à la nature morte et aux paysages (il compte parmi les meilleurs paysagistes de son temps). En 1726, il fut nommé dessinateur ou peintre cartonnier des manufactures de tapisserie de Beauvais, qu’il sera chargé de reprendre en main en 1734. Excellent administrateur, il réorganise la manufacture, qui connaît grâce à lui un brillant renouveau (il appela François Boucher à collaborer à la manufacture). Devenu surintendant, le voilà célèbre et débordé de commandes, mais au lieu de résider à Beauvais, comme il le devrait, il organise des joyeux divertissement, notamment dans les jardins d’Arcueil, où il réalise de magnifiques dessins, les dames du monde l’y suivent prestement, le crayon à la main. En 1748, il est nommé inspecteur à la manufacture des Gobelins. C’est pour les Gobelins qui crée ses plus beaux cartons de tapisseries, les chasses royales, d’une technique très raffinée. Sa santé s’altère, l’argent ne rentre plus. Il décède à Beauvais le 30 avril 1755, à l’âge de soixante-neuf ans, il n’aura guère de successeurs, sa place reste vide.
La Fontaine (1621–1695).
Bibliothèque nationale de France, Les Essentiels, Littérature.
De La Fontaine, on ne retient souvent que les Fables. Elles sont le chef-d'œuvre de l'écrivain, l'aboutissement d'un cheminement poétique, un espace de liberté et d'invention. On connaît moins sa poésie élégiaque et ses récits poétiques qui mêlent la prose aux vers. Ses Contes sont célèbres pour leur versification irrégulière et leur parfum sulfureux. Amoureux de la forme, La Fontaine est toujours en quête de renouvellement poétique. Ses Contes (publiés jusqu'en 1685) et ses Fables (dernier livre en 1694) restent pour tout le XVIIIe siècle une référence obligée et un modèle inépuisable.
BIBLIOGRAPHIE & HISTORIOGRAPHIE
– Antoine CORON, Catalogue exposition, Des livres rares depuis l’invention de l’imprimerie, Paris, BnF, 1998 (n° 207), p. 258, notice de Catherine Allix. – COHEN, Livres à gravures du XVIIIe siècle, coll. 548. – Claire LESAGE, Catalogue exposition, Jean de La Fontaine, Paris, BnF, 1995, p. 160. – Jean LOCQUIN, Catalogue raisonné de l'œuvre de Jean-Baptiste Oudry, peintre du roi (1686-1755), Paris, Jean Schemit, 1912 (Bibliographie p. [188]-198.). – Christian MICHEL, Charles-Nicolas Cochin et l’art des Lumières, Rome, École française de Rome, 1993, p. 198. – Christian MICHEL, Charles-Nicolas Cochin et le livre illustré au XVIIIe siècle, Genève, 1987 (n° 198). – ROCHAMBEAU, Bibliographie des œuvres de La Fontaine, Fables, n° 86. – ROCHEBLAVE, Charles-Nicolas Cochin graveur et dessinateur (1715-1790), Paris et Bruxelles, Librairie Nationale d’Art et d’Histoire, G. Vanoest, Éditeur, 1927.
Une critique élogieuse dans le Journal de Trévoux.
C’est en ces termes élogieux que le Père Berthier (1745-1762) parla de cette magnifique édition dans les Mémoires de Trévoux : « La Fontaine et Oudry ont partagé en quelque sorte l’empire des animaux. Le poëte leur a donné la parole; le peintre a saisi leurs manières, leurs jeux, leurs attitudes. Le premier a su deviner ce qu’ils auroient dit, s’ils avaient formé une société entre eux; le second a eu le talent de les rendre tels qu’ils sont. La Fontaine, dans ses fables, s’est laissé entraîner par le génie; Oudry, dans ses dessins, a eu pour guide l’observation: l’un et l’autre ont produit deux chefs-d'oeuvre qui se trouvent réunis dans 4 volumes in-folio. » (Journal des sçavants, décembre 1760, t. IV, p. 137).
Le Journal de Trévoux est incontestablement l'un des grands périodiques d'érudition de l'Europe du XVIIIe siècle. Créée par les jésuites, qui l'éditent pendant plus d'un demi-siècle (1701-1762), la revue, représentative de la République des Letttres, s'efforce de couvrir l'ensemble de l'actualité éditoriale de son temps. À noter également que les membres de la Société de Jésus sont le seul ordre religieux qui ait eu son journal sous l'Ancien Régime.