CÉLINE. Voyage au bout de la nuit
« Rien n’est gratuit en ce bas monde. Tout s’expie, le bien comme le mal, se paie tôt ou tard. Le bien c’est beaucoup plus cher forcément. » Un syntagme unique qui résume le propos et la finalité de l'œuvre de Céline.
L'ouvrage recouvert de son papier cristal éditeur de l'époque.
CÉLINE (Louis-Ferdinand DESTOUCHES, dit L.-F.), 1894-1961.
Voyage au bout de la nuit
Paris, Denoël et Steele, [15 octobre] 1932.
[GRANDE IMPRIMERIE DE TROYES 128, Rue Thiers, 128 - 1932]
In-8° ; 623 p., 1 feuillet blanc non chiffré.
Un exemplaire broché, non rogné, de l’éditeur à l'état neuf, un papier teinte blanche immaculée, non coupé, non lu.
La couverture et le dos n'ont pas jaunis avec le temps.
Édition originale, dédié à Elizabeth Craig, une jeune danseuse américaine que Céline a rencontra à Genève en 1926 et avec laquelle il vécut à Paris de 1929 à 1933.
Prix sur demande – Price on request
Un exemplaire remarquable, broché non coupé tel que paru. C'est l'une des conditions les plus désirables qui soient, mais également l'une des plus difficiles à trouver en raison de la fragilité des exemplaires.
L'un des rares exemplaires conservés encore à l'état de parution originelle, broché non coupé, la plupart des exemplaires ayant été reliés postérieurement.
Parmi les dix premiers exemplaires numérotés à la main, à l'encre, qui ont tous été localisés, seuls cinq sont encore brochés, dont quatre, notamment ne portent ni envoi ni provenance spécifique et sont restés dans l’état de parution originelle, coupés ou non coupés.
Les rarissimes exemplaires du tirage de tête sur papier vergé d’Arches, réservés à quelques proches de l’auteur, sont les plus recherchés.
Les points forts de notre exemplaire sont :
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UN EXEMPLAIRE TRÈS RECHERCHÉ PAR LA PAUCITÉ DE SON TIRAGE.
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UN EXEMPLAIRE DU TIRAGE DE TÊTE : LE N° 2.
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UN EXEMPLAIRE NON COUPÉ, IMMACULÉ, À L'ÉTAT NEUF.
Léon Daudet et le prix Goncourt
Léon Daudet se révéla audacieux dans ses choix et dans ses votes. Homme de parti et de parti pris, c’est lui qui fut le grand maître d’œuvre de l’attribution du prix Goncourt, en 1919, à Marcel Proust, déjà son ami de vingt ans, pour son roman À l’ombre des jeunes filles en fleurs contre Les Croix de bois de Roland Dorgelès. Il batailla ferme mais en vain pour L’Hérésiarque et Cie de Guillaume Apollinaire (1910) et surtout, avec les vigoureux défenseurs, le romancier naturaliste Lucien Descaves, et le critique d'Art Jean Ajalbert, pour Voyage…, le premier roman de Louis-Ferdinand Céline en 1932. À un juré de l’Académie Goncourt regrettant que Voyage au bout de la nuit attaque violemment la patrie, Léon Daudet aurait répondu : « La patrie, je lui dis merde quand il s’agit de littérature ! ». Il se fit le laudateur de Bernanos, de Paul Morand, de Jean Giraudoux, de Valery Larbaud. Ardent défenseur de Debussy, il tenait Picasso pour le plus grand peintre vivant. Homme de goût avant tout, Léon Daudet devait convenir que le décadent Charles Baudelaire était un poète de génie, incomparable, gâché par ses addictions.
Fils d’Alphonse Daudet, journaliste puis romancier, tribun, polémiste réactionnaire, conférencier, critique, essayiste, biographe, mémorialiste, médecin, député royaliste, écrivain voyageur, Léon Daudet fut un homme étincelant de vie et d’audace ; une grande gueule réactionnaire, un œil vif à la plume déliée et musclée. Lecteur compulsif il oubliait ses préjugés idéologiques et ses attaques sans nuances dans ses exercices d’admiration. Atrabilaire, passionné jusqu’à la fureur dès qu’il s’agissait d’art et de littérature, il optait avec enthousiasme, joie et compétence pour l’audace et la modernité, rejetant de facto la « littérature empaillée », le triomphe des imbéciles et des escrocs.
Il faudra lire avec profit les prodigieux souvenirs de Léon DAUDET. Souvenirs littéraires, Paris, Bernard Grasset, Les Cahiers Rouges, 2009.
L'une des plus célèbres entrées de roman, à la fois épique et familière, de la littérature française : « Ça a débuté comme ça. Moi, j’avais jamais rien dit. Rien. C’est Arthur Ganate qui m’a fait parler*. »
À l’automne 1932 paraît le premier roman de Louis-Ferdinand Céline Voyage au bout de la nuit. L’auteur rate de peu le prix Goncourt 1932 (que tout le monde lui attribuait à l'avance) mais obtient le prix Renaudot et la célébrité. Il crée l’événement de l’actualité littéraire de l’époque.
Le chroniqueur littéraire du Figaro, André Rousseaux, écrit dans l'édition du 10 décembre 1932 : « […] Il passionne l'opinion littéraire plus qu'aucun livre n'avait fait depuis longtemps. On prend violemment parti pour ou contre lui. Pour les uns, ce livre est une ordure; pour les autres, une œuvre de génie. »
*Avec Marcel Proust : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. » (Du côté de chez Swann, Bernard Grasset, 1913) et Stendhal : « Le 15 mai 1796, le général Bonaparte fit son entrée dans Milan à la tête de cette jeune armée qui venait de passer le pont de Lodi et d'apprendre au monde qu'après tant de siècles César et Alexandre avaient un successeur. » (La Chartreuse de Parme, Paris, Ambroise Dupont, 1839).
Félicité par le plus célèbre des romanciers de ce début de siècle, François Mauriac, Louis-Ferdinand Céline ne semble pas flatté et lui répond avec une grande liberté de ton et d'expression :
Une lettre à en-tête du dispensaire municipal de Clichy, sans date [fin 1932], adressée à François Mauriac. Nous remarquons l’absence de repères diacritiques dans la graphie de Céline.
« […] Rien ne nous rapproche, vous appartenez a une autre espece, vous voyez d’autres gens, vous entendez d’autres voix. Pour moi, simplet, Dieu c’est un truc pour penser mieux a soi-même et pour ne pas penser aux hommes, pour deserter en somme superbement. Vous voyez combien je suis argileux et vulgaire. Je suis ecrase par la vie, je veux qu’on le sache avant d’en crever, le reste je m’en fous, je n’ai que l’ambition d’une mort peu douloureuse. [Note en marge :] mais bien lucide et tout le reste c’est du yoyo.
Bien sincerement je vous prie,
Destouches / Celine »
L'œuvre la plus singulière de la littérature moderne
Céline, l'Écrivain, avant les années noires
À la fin de l’été 1927, Louis-Ferdinand Destouches commence à travailler au roman qu’il publiera sous le pseudonyme de Céline et sous le titre de Voyage au bout de la nuit. Avec ce premier roman l’auteur conquit une vive célébrité. Formidablement novateur stylistiquement, ce vigoureux récit brutalement contemporain connut un succès retentissant. Rédigé dans un « style émotif », en partie autobiographique autour d’une figure de narrateur, d’une verve noire, d’un pessimisme radical (rien n’est neutre d’un point de vue émotionnel) et d’une violence forcenée; l’éloquence torrentielle et impétueuse du récit emporte tout et crée le premier choc. Aventures bouffonnes ou terribles, cruelles toujours, le chroniqueur en fureur fustige avec génie la société moderne, ses guerres ainsi que ses entreprises coloniales loin des représentations populaires exotiques.
La prouesse littéraire de Céline, par laquelle il a fait date et souche dans la littérature, nous fait admettre et il est temps, que lui, il a réussi et force est de constater qu'on ne peut pas être grand homme à bon marché.
Nous soulignons à dessein : Voyage au bout de la nuit, le premier roman publié en 1932, est dépourvu de toute référence antisémite et raciste. Ce livre obtint le Prix Renaudot le 7 décembre 1932.
« La merde a de l’avenir. Vous verrez qu’un jour on en fera des discours. »
Louis-Ferdinand Destouches (1894-1961), plus connu sous son nom de plume Céline (prénom de sa grand-mère et l'un des prénoms de sa mère), fut l’écrivain français le plus traduit et diffusé dans le monde parmi ceux du XXe siècle. Voyage au bout de la nuit reste l’œuvre la plus lue, la plus critiquée et étudiée de l’écrivain.
« Je ne suis qu'un style »
« Pourquoi j’écris ? Je vais vous le dire : pour rendre les autres illisibles... ».
« Je représente quelque chose, moi, le génie français, gloire littéraire, patrimoine spirituel de la France et le reste... invention, j’ai inventé un style, ça vaut bien cent mille par mois... et je pourrais me passer de Gallimard, prendre ma retraite... j’ai tout de même soixante-trois ans. Je la mérite bien la rente, la rente et le prix Nobel... L’invention du style émotif parlé, comme le chas de l’aiguille, je l’ai dit, ça vaut le Nobel, je veux... Surtout quand on voit ceux qui l’ont eu, qui le méritaient pas, qui avaient rien inventé : Gidouille la crotte... Mauriac qui pète de fric... Hemingway et son vieux naturalisme éculé chromo... ».
« Dites-leur donc à vos lecteurs que je ne suis pas un écrivain, vous savez un de ceux qui esbrouffent la jeunesse, qui regorgent d’idées, qui synthétisent, qui ont des idéâs ! Je suis qu’un petit inventeur, un petit inventeur, parfaitement ! et que d’un petit truc, juste d’un petit truc... J’envoie pas de messages au monde, moi, non ! je me saoule pas de mots, ni de porto, ni des flatteries de la jeunesse ! Je cogite pas pour la planète ! Je suis qu’un petit inventeur, et que d'un tout petit truc qui passera pardis ! comme le reste ! comme le bouton de col à bascule ! J’ai inventé l’émotion dans le langage écrit ! Oui, le langage écrit était à sec, c’est moi qu’ai redonné l’émotion au langage écrit... comme je vous le dis... c’est pas un petit turbin je vous jure ! le truc, la magie, que n’importe quel con à présent peut vous émouvoir « en écrit ! »... retrouver l'émotion du « parlé » à travers l’écrit ! c’est pas rien, c’est infime mais c’est quelque chose ! ».
Ce texte comporte de nombreuses fautes de ponctuations significatives. Dans le cas de Celine, ce serait casser le soufle de l'auteur que de ne pas respecter sa ponctuation.
BIBLIOGRAPHIE
ÉDITION ORIGINALE DU PREMIER ROMAN de Louis-Ferdinand CÉLINE (1932).
Cette édition originale en premier grand papier compte parmi les plus rares de la littérature du XXe siècle.
– La référence essentielle : François GIBAULT, [t. I] Céline, 1894-1932 : Le Temps des espérances, suivi de : [t. II] Céline, 1932-1944 : Délires et persécutions, suivi de : [t. III] Céline, 1944-1961 : Cavalier de l’Apocalypse, Paris, Mercure de France, 1977-1985-1981.
Quinze années d’un travail assidu commencé en 1973. Quinze années de recherches au cœur des archives céliniennes, chez madame Lucette Destouches, née Lucie Almansor, veuve de l'écrivain. François Gibault fut le conseil de Lucette Destouches.
– La monographie : « Les Cahiers de L’Herne », Cahier numéro 3, 1963 et Cahier numéro 5 (Céline II), 1965, consacrés à Louis-Ferdinand Céline : écris originaux, textes inédits, témoignages et articles thématiques sur l’auteur et son œuvre. Réédition intégrale, 1972, rectifie maints détails et apporte de nombreux éclaircissements sur son œuvre, sa personnalité, et ses idées et augmentée d’une bibliographie.
– Jean-Pierre DAUPHIN & Pascal FOUCHÉ, Bibliographie des écrits de Louis-Ferdinand Céline, Coll. 32A1, Paris, Bibliothèque de Littérature française contemporaine, 1985.
Lectures : Frédéric VITOUX (de l'Académie française), La vie de Céline, Paris, Éditions Grasset & Fasquelle, 1988. – Philippe MURAY, Céline, Collection Tel Quel, Paris, Édition du Seuil, 1981.
Céline. Voyage au bout de la nuit : exemplaire de tête n° 6. Collection privée française. On remarque la graphie identique à la numérotation pour le chiffre indo-arabe.