Arthur RIMBAUD. Une Saison en enfer

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« Jadis, si je me souviens bien, ma vie était un festin où s’ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient. Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. – Et je l’ai trouvée amère. – Et je l’ai injuriée.


RIMBAUD (Arthur).

Une Saison en enfer

Bruxelles, Alliance Typographique (M.-J. Poot et Compagnie), 1873.

In-12° ; 53 pp., y compris la couverture [les dix-sept pages : 3-4, 13-14, 18-20, 27-28, 37-38, 42-44, 47-48 et 50 sont non imprimées. Censure de l'auteur ou extérieure du dernier moment, cause d'une erreur d'imposition ?].

Le dernier poème Adieu est daté à la page 53 et dernière : « avril-août, 1873 », mais la genèse de cette autobiographie a pu être plus longue.


La couverture blanche, d’un papier plus fort que celui des pages, est encadrée d’un filet double et d’un filet simple maigres, puis le titre est imprimé en rouge, cela montrent que cette présentation est soignée. La couverture tient lieu de page de titre et le texte commence, ex abrupto, à la page une sous cinq astérisques centrés. Pas de faux-titre et de table in fine. Quelques coquilles, dont « le clef » à la première page et « puisser » à la l’avant dernière. Si la qualité du papier est moyenne, les caractères eux sont élégants et l’ensemble des feuillets offrent des marges suffisamment larges et quasi sans rousseurs. Un emboîtage en maroquin noir janséniste dans un étui bordé de maroquin noir (Loutrel) de conservation.


ÉDITION ORIGINALE.

UN SUPERBE EXEMPLAIRE BROCHÉ ET NON ROGNÉ, NON COUPÉ, TEL QUE PARU ET TEL QU'IL CONVIENT DE POSSÉDER CETTE PLAQUETTE. DE TOUTE RARETÉ DANS CETTE CONDITION.

Exemplaire broché, tel que retrouvé dans les stocks de « l’Alliance typographique » (voir infra), il est exceptionnellement bien préservé, non lavé et en parfait état.

Format bibliographique : 185 x 125 x 4 mm


Curiosités éditoriales

Les irrégularités ainsi que les anomalies dans l’impression de la plaquette Une Saison en enfer ont soulevé de nombreuses interrogations : absence des pages liminaires habituellement présentent dans une édition, la présence de 17 pages blanches intercalées de loin en loin dans le livre, ainsi que quelques coquilles et fautes d’orthographe dans le texte lui-même! Suppressions voulues par Arthur Rimbaud ? Censures de l’auteur ou de l’imprimeur? Édition bâclée, malfaçons de l’imprimeur bruxellois J. Poot n’ayant auparavant jamais publié, semble-t-il, d’ouvrages poétiques ou littéraires ? 

Une récente étude approfondie, très documenté, préfère conclure que cet aspect matériel du livre résulterait d’un choix éditorial, mis en œuvre par une imprimerie expérimentée, peut-être même sous les indications du jeune poète. (Cf. : Christophe Bataillé, l’édition originale d’Une Saison en enfer d’Arthur Rimbaud, Revue d’Histoire Littéraire de la France, PUF, 2008/3, vol. 108, pp. 651 à 665).


Vendu


BIBLIOGRAPHIE  

– Clouzot, Guide du Bibliophile Français, Nouvelle Édition, p. 237 : « Rare et très recherché ».

– Catalogue BnF, Arthur Rimbaud, Exposition organisée pour le centième anniversaire de sa naissance, Paris, 1954, n° 322, p. 42. – Catalogue BnF, En Français dans le texte, 1990, n° 299, p. 278.

– Carteret, Le Trésor du Bibliophile Romantique et Moderne t. II, p. 260. – Christian Galantaris, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, Catalogue raisonné d’une collection, n° 220, p. 313. – Monda & Montel, Bibliographie des poètes maudits, Bulletin du Bibliophile, n° IX, t. II. Arthur Rimbaud, p. 5-18.


Les études sur la vie et l’œuvre du jeune poète Arthur RIMBAUD, ainsi que les bibliographies critiques sont considérables. L’édition de base est sans contestation celle de la Bibliothèque de la Pléiade : Œuvres complètes, Édition établie par André Guyaux, avec la collaboration d’Aurélia Cervoni, Nouvelle édition, Paris, Gallimard 2009. Chaque œuvre est accompagnée d’une analyse critique, les notes, les variantes et les textes annexes éclairent la pensée du poète. Un bon outil de travail.


  • ÉDITION ORIGINALE IMPRIMÉE AUX FRAIS DE L'AUTEUR ET PARUE EN OCTOBRE 1873.
  • ELLE A ÉTÉ TIRÉE À 500 EXEMPLAIRES ENVIRON SUR PAPIER VÉLIN ORDINAIRE.
  • LE SEUL OUVRAGE PUBLIÉ PAR ARTHUR RIMBAUD DE SON VIVANT.

Pour la petite histoire…

Rimbaud en reçut une dizaine de l’imprimeur dont une demi-douzaine offerts par lui ont été identifiés : ceux de Paul Verlaine alors en prison, d’Ernest Delahaye, Ernest Millot, Jean-Louis Forain, Jean Richepin, etc. En 1901, un bibliophile belge, Léon Losseau, découvrit dans les caves de l’imprimeur bruxellois M. J. Poot un « ballot sali, maculé, couvert de poussières » contenant 425 exemplaires de la plaquette imprimée entreposés là depuis 1873 et que Rimbaud, faute d’argent*, n’avait pu retirer. Il en détruisit quelques-uns qui avaient souffert de l’humidité, en distribua quelques autres à des institutions et à des bibliophiles (in : Annuaire de 1915 de la Société des Bibliophiles et Iconophiles de Belgique). Il ne révéla sa découverte qu’en 1914 et publia en 1916, une plaquette dans laquelle il révélait les détails de cette trouvaille.

*La mère de Rimbaud avait refusé de régler la facture de l'imprimeur.


L’homme aux semelles de vent
                        
Paul Verlaine

« [Il] était plutôt beau - et très beau, que laid (…) une sorte de douceur luisait et souriait dans ces cruels yeux bleu clair et sur cette forte bouche rouge au pli amer : mysticisme et sensualité, et quels ! » (in Verlaine, Les Hommes d’Aujourd’hui, n° 318, Arthur Rimbaud, janvier 1888).


UN CHEF D'ŒUVRE LITTÉRAIRE, UNE ŒUVRE FULGURANTE D'UNE TELLE PORTÉE QU'ELLE A PERMIS À LA POÈSIE MODERNE DE NAÎTRE.

Les dégoûts et les remords

Une intimité suspecte

Arthur Rimbaud arrive à Paris à la fin de septembre 1871. Verlaine et Rimbaud deviennent amant et vivent une passion amoureuse (Bruxelles 1872: les amours de tigres, les nuits d’Hercule) et une grande passion littéraire jusqu'au bout. Afin de fuir les menaces et l’épouse de Verlaine, ils tentent leur chance en Angleterre. À Londres, lieu de réunion des réfugiés de la Commune, capitale surpeuplée de la révolution industrielle, leur vie sera misérable. En décembre 1872, Arthur Rimbaud abandonne brusquement Paul Verlaine et rentre de Londres pour retourner à Charleville.

Janvier 1873, deuxième et bref séjour au chevet de son ami malade qui l’a supplié de revenir, mais les scènes de ce « drôle de ménage » (Délires I) reprennent de plus belle ; Rimbaud a dix-sept ans, il s’enfuit et rejoint sa famille en France, où il commence à écrire Une Saison en enfer.

Puis c’est un troisième séjour en Angleterre (entre mars et juin 1874), en compagnie du poète Germain NOUVEAU, au cours duquel Verlaine (qui avait trouvé un emploi de professeur à Londres) abandonne Rimbaud sans ressources, nouveau psychodrame londonien.

Londres, vendredi après-midi, 4 juillet 1873
Reviens, reviens, cher ami, seul ami, reviens. Je te jure que je serai bon. Si j’étais maussade avec toi, c’est une plaisanterie où je me suis entêté, je m’en repens plus qu’on ne peut dire. Reviens, ce sera bien oublié. Quel malheur que tu aies cru à cette plaisanterie. Voilà deux jours que je ne cesse de pleurer. Sois courageux, cher ami, rien n’est perdu…
Rimbaud

Le drame de Bruxelles

Mais en mai, c’est l’adolescent qui rejoint Verlaine à Bruxelles pour lui annoncer qu’il souhaite le quitter et retourner à Charleville ; l’après-midi du 20 juillet, en présence de Mme Mathilde Verlaine, sous l’emprise de l’alcool, Verlaine anéanti par l’amour, tire sur son jeune amant deux coups de feu, dont l’un atteint le poignet gauche du jeune poète, d’un revolver à six coups acheté le matin même pour mettre fin à sa propre vie. Le lendemain, Rimbaud craignant pour sa vie, une seconde fois, se place sous la protection d’un agent de police. Verlaine est arrêté, il est condamné à deux années de prison.

La rupture, ou le tournant de vie

Après quelques jours d'hospitalisation, puis de convalescence, définitivement las et écœuré de deux années d’exil remplies d’une vie violente et de débauche (Le malheur a été mon dieu. Je me suis allongé dans la boue), RIMBAUD achève à l’âge de dix-neuf ans (il travaille jour et nuit), dans le grenier de la ferme familiale, à la propriété de Roche, près de Vouziers, l’œuvre entreprise en prose quelque temps plus tôt, le petit recueil autobiographique, aveu testamentaire, une composition fragmentée, un style abrupte et féroce en prose et en vers.

Rimbaud envoi son manuscrit à l’imprimeur à la fin de l’été (entre la fin août et le début septembre). Le livre sort en octobre 1873 des presses d’une petite officine de la rue aux Choux à Bruxelles, l’Alliance Typographique, imprimeur spécialisé dans les publications judiciaires, mais l’auteur n’a pas été en mesure de payer les frais d’impressions et laisse le gros de son édition chez l’imprimeur.

Ce chef-d’œuvre littéraire, chimères poétiques, témoignage sur l’existence maudite, souvenirs d’enfer, irrémédiable aveu testamentaire (Nuit de l’Enfer; le poète est déçu par son art. Face à cette vérité brûlante, Rimbaud ramasse les débris de sa vie d’exilé ; c’est un homme blessé et honteux des ses fautes (Délires II), qui dénonce d'un bout à l'autre dans cette confession, avec ironie dédaigneuse et violence, son mépris pour la morale et son goût pour le vice, la pédérastie et la révolte de la chair, de l'instinct (Mauvais Sang) :

Prêtres, professeurs, maîtres, vous vous trompez en me livrant à la justice. Je n’ai jamais été de ce peuple-ci ; je n’ai pas été chrétien ; je suis de la race qui chantait dans le supplice ; je ne comprends pas les lois ; je n’ai pas le sens moral ; je suis une brute : vous vous trompez…

Mais lorsque Dieu le rappelle à lui : « Arthur est maintenant sereinement triste quand il ne délire pas. Il pleure. » (Isabelle Rimbaud, lettre du 28 octobre 1891).

L’IMMENSE POÈTE RIMBAUD s'est éteint le 10 novembre 1891 à l’âge de trente-sept ans, seul, ayant eu pour seule arme dans cet inhumain voyage : la Poèsie, meilleure réplique à toutes les fadeurs de son époque.


L’aventure intellectuelle de Rimbaud a profondément marqué l’évolution de la pensée poétique et littéraire au XXe siècle.  
À seize ans il avait écrit les plus beaux vers du monde (Verlaine), « Poète maudit » de la Bohème, adolescent et fugueur révolté, errant et solitaire, il n’a eu de cesse de vouloir « changer la vie » en réinventant la langue, la poésie et l’amour.


Table des poèmes :

 • [Courte préface]
 • Mauvais Sang
 • Nuit de l’Enfer
 • Délires I – Vierge Folle - L’Époux Infernale
 • Délires II – Alchimie du Verbe (où se trouve insérés cinq des derniers poèmes écrits en vers) fut conçue dès novembre 1870.
 • L’Impossible
 • L’Éclair
 • Matin
 • Adieu


Les bonnes feuilles

« Je me rappelle l'histoire de la France fille aînée de l'Église. J'aurais fait, manant, le voyage de terre sainte ; j'ai dans la tête des routes dans les plaines souabes, des vues de Byzance, des remparts de Solyme ; le culte de Marie, l'attendrissement sur le crucifié s'éveillent en moi parmi les mille féeries profanes. — Je suis assis, lépreux, sur les pots cassés et les orties, au pied d'un mur rongé par le soleil. — Plus tard, reître, j'aurais bivouaqué sous les nuits d'Allemagne.
 Ah ! encore : je danse le sabbat dans une rouge clairière, avec des vieilles et des enfants.
 Je ne me souviens pas plus loin que cette terre-ci et le christianisme. Je n'en finirais pas de me revoir dans ce passé. Mais toujours seul ; sans famille ; même, quelle langue parlais-je ? Je ne me vois jamais dans les conseils du Christ ; ni dans les conseils des Seigneurs, — représentants du Christ. » (Mauvais Sang)