HARTMANN SCHEDEL. Liber Chronicarum, 1493
Le premier feuillet est imprimé en xylographie : Registrum huius operis libri cronicarum cū[m] figuris et ymagi[ni]bus ab initio mū[n]di et porte un ex-libris manuscrit à la plume, encre sépia : « Collegii Societatis Jesu Bruxellis 1644 M. B. »
[1493]. SCHEDEL (Hartmann). Liber Chronicarum [connu sous le nom de CHRONIQUE DE NÜREMBERG]
[Incipit :] Registrum huius operis libri cronicarum cū[m] figuris et ymagi[ni]bus ab initio mū[n]di
[Explicitus est liber :] Nüremberg, Antonius Koberger [imprimeur], Sebald Schreyer & Sebastian Kammermeister [bailleurs de fonds], 12 juillet 1493.
Ici, la date est sous sa forme moderne, c’est-à-dire le quantième et le mois. L’année est imprimée en chiffres indo-arabes.
Vendu
L'« état civil » du livre.
Un grand et massif in-folio de 325 feuillets. Une écriture en caractères gothiques, 64 lignes, lettre de forme de gros module, littera textualis à « longues lignes », ou initialement sous deux colonnes. Pas de page de titre individualisée dans les plus anciens livres imprimés (incunables). Le texte commence dès le premier folio recto du feuillet. La filiation qui relie à l’écriture manuscrite y est encore bien apparente.
Notice catalographique.
Collation :
Prima vacat, c’est-à-dire 1 feuillet de garde de papier blanc filigrané en lettres assemblées « NL », 20 feuillets (19+1) préliminaires non chiffrés y compris l’Incipit (index alphabétique), 299 feuillets foliotés en chiffres romains pour le texte et les gravures de la Chronique répartie en six âges, 6 feuillets non signés dont 1 blanc [De regno polonie et eius initio] insérés entre le folium 266 et le folium 267, 1 feuillet de garde de papier blanc filigrané en lettres assemblées « NL ».
L'exemplaire est complet des 3 feuillets communément nommés « blancs » au folio CCLVIIII (sic), CCLX et CCLXI avec le titre courant qui reprend : Serta Etas Mundi. Ces feuillets « blancs » étaient destinés à recevoir les notes additionnelles des gens d'études.
Le colophon portant l'adresse bibliographique, sans registrum (registre des signatures destiné à l'assemblage des cahiers), sans glose latine ou vulgaire, sans notes, sans marque typographique d’imprimeur gravée sur bois ni devise, est imprimé au folio verso de la très belle carte double représentant l'Europe germanique et occidentale gravée par Hieronymus Münzer, plus exactement le dernier feuillet de cet incunable.
Un fait caractéristique de cet incunable : l’Incipit, en grandes et belles lettres gothiques, ce module graphique aux caractères de taille hors normes (Registrum huius operis libri cronicarum…), et aux grandes initiales entrelacées et cadelées, est un xylographe (gravure sur bois, en relief, permettant l'impression d'une figure ou d'un texte dont tous les caractères sont gravés sur la plaque et non mobiles) qui fait appel à l’emploi de l’encre grasse, l’encre d’imprimerie, noire et nette.
Un magnifique exemplaire à très grandes marges de format médian.
Ornementation peinte : Le folio VII verso, « Prima etas Mundi » ou « L’Expulsion du Paradis » est soigneusement rehaussé de couleurs, comme souvent, à l’époque de la publication.
Reliure :
Un très beau spécimen caractéristique de reliure nurembergeoise à décor à « ampraintes » du XVe siècle, admirablement conservé dans sa couvrure primitive.
Une très belle et très précieuse reliure médiévale allemande en veau fauve cordé, estampé à froid (lignes et dominos1) sur ais2 de bois épais et durs (chêne) et biseautés afin d’alléger l’aspect du plat (dans les pays germaniques, les biseaux sont la règle et ils varient d’une région à l’autre), un triple encadrement composé de filets gras bordés de deux filets maigres à froid (un cadre « passe-partout ») avec motifs à petits fers à froid à compartiments en forme de losange exécutés à la roulette ; un large décor à froid d’ornements floraux répétés, estampage en relief très décoratif, typique de la fin du quinzième siècle, dos fixe muet cousu sur « doubles nerfs » apparents pour être plus solides (6 nerfs), formés de septains3 pliés en deux et orné d’un filet maigre à froid, la tranchefile (bourrelet de cuir entouré de fil de lin continu et de couleur naturelle) en tête et en queue est apparente à cette époque, traces de bouillons au centre et aux quatre coins de chaque plat (appelés ombilics pour le centre), traces de deux fermoirs, aucune traces d’attache de chaîne. Le plat est renforcé (sans doute plus tardivement) de petites cornières d’angles, de fers plats en tête et en pied, en cuivre. Les tranches sont lisses. Un très beau spécimen de reliure à décors germaniques à « ampraintes » de la fin du XVe siècle.
UN SPECTACULAIRE EXEMPLAIRE CONSERVÉ DANS SA TOUTE PREMIÈRE RELIURE D’ÉPOQUE EN TRÈS BELLE CONDITION. Les grandes marges le confirment. RARE.
(1) L’« amprainte » était faite à l’aide de petites plaques d’un bois très dure (poirier, buis), semblable à des dominos, gravés en creux de motifs simples : quatre-feuilles ou quinte-feuilles de rosaces, croix, entrelacs par exemple.
(2) Selon une tradition remontant à une époque des livres manuscrits.
(3) Septain, grosse ficelle tressée en sept brins.
Format bibliographique : L : 47 cm ; l : 32 cm ; H : 6 cm pour les feuillets, L : 49 cm ; l : 34 cm ; H : 8,5 cm pour la reliure.
L’un des plus prestigieux et célèbres incunables illustrés jamais imprimés.
Édition princeps du Liber chronicarum, plus connu sous le nom de Cronica Mundi, appelée d’ordinaire Chronique de Nüremberg (d'après la ville où elle a été créée). Elle fut éditée à Nüremberg par le grand imprimeur humaniste Anton Koberger le 12 juillet 1493. Composée et rédigée primitivement en langue latine par le très érudit docteur polygraphe humaniste et bibliophile Hartmann Schedel (1440-1514), à la demande de deux bailleurs de fonds Nurembergeois, Sebald Schreyer (1446-1520) et Sebastian Kammermeister (1446-1503), la Chronique fut réécrite en langue allemande (un usage pratiqué couramment à l’époque : édition latine/traduction), mais non assimilable à une véritable traduction (au sens contemporain du terme) de celle-ci, avec quelques modifications (le récit fut épuré des traces d’une érudition jugée ample et importune pour le lecteur), par Georg Alt (1450-1510), secrétaire de chancellerie, et elle parut le 23 décembre 1493. Le Liber fut exporté et lu bien au-delà des frontières du Saint-Empire, il fut mis en vente successivement en France, en Italie, à Cracovie et à Buda et demeura, après une diffusion élargie englobant toute l'Europe, un franc succès commercial. Les deux éditions eurent le même public, c'est-à-dire l'élite religieuse, intellectuelle et urbaine de la société.
Les deux éditions de ce précieux codex sont illustrées de 1 809 illustrations (un nombre considérable pour un incunable contrairement aux tirages modestes habituels) en premier tirage d'une grande beauté (une excellente répartition des noirs et des blancs) et de toutes tailles (demi ou pleine page) à partir de 645 bois gravés, ce qui explique que certaines gravures aient été répétées, par deux des plus remarquables artisans d'art de Nuremberg, soit Michael Wohlgemut (1434/37-1519) et Wilhem Pleydenwurff (1450-1494) et stimulés par la participation possible du célèbre Albrecht Dürer. On estime son tirage à 1 400 exemplaires pour l’édition en langue latine et 700 exemplaires pour l’édition en langue allemande, un chiffre conséquent pour l’époque. Moins de la moitié de chacune d’elles serait parvenue jusqu’à nous et très rarement conservée dans leurs premières reliures médiévales.
Un papier à noble filigrane (nom du fabricant producteur) qui supporte une encre de belle qualité. Le papier destiné à servir de support à l’impression du Liber provient du moulin à papier installé à Gleismühl près de Nüremberg, par Ulman Stromer (1329-1407), pour lequel il fit venir de Lombardie trois maîtres papetiers d’exception. Ce moulin à papier fut le premier d’Allemagne à fonctionner en 1391. Les cinq filigranes (‘ watermark ’) répertoriés par Adrian Wilson in The Making of the Nuremberg Chronicle, (p. 188), posés vers le centre de la feuille, sont visibles par transparence dans notre exemplaire.
Durant tout le bas Moyen-Âge, la diffusion de chroniques permet de fournir aux lecteurs les connaissances historiques, religieuses et profanes nécessaires à la compréhension du monde. La chronique universelle du monde de Schedel est, dès sa parution, une oeuvre encyclopédique révolutionnaire et l'imprimé le plus richement illustré jamais édité en Europe. Sous une division en six grandes époques, elle rapporte des événements historiques (tout en accordant la préférence à la description des villes « modernes » les plus célèbres et les plus remarquables), des catastrophes naturelles, des querelles guerrières ou des atrocités humaines ; embrasse l’histoire de l’église et celle des royaumes et empires, de l’origine du monde à la fin du XVe siècle, mêlées à des fables, des mythes et des légendes. Le passage devant la Terre des comètes y est noté. Les personnages importants (rois, dignitaires religieux, saints, matyres) sont mentionnés, mais aussi les philosophes et les penseurs (596 portraits gravés). Le Folium CCLII notifie l’invention de l’imprimerie, qualifiée « d’art divin », en 1450 à Mayence.
La chronique se réfère à la structure traditionnelle de l’histoire de l’humanité telle que l’histoire sacrée la relate ainsi que les récits bibliques, par analogie de la Création du monde en six jours.
– Le premier âge du monde englobe la période qui va de la Création du monde au Déluge.
– Le deuxième, va du Déluge à la naissance d’Abraham.
– Le troisième, de la naissance d’Abraham au début du règne de David.
– Le quatrième, du début du règne de David à la prise de Babylone.
– Le cinquième, de la prise de Babylone à la naissance du Christ.
– La sixième (la plus importante), de la naissance du Christ à l’époque moderne. S’y adjoint une septième période (assez brève) relatant l’arrivée de l’Antéchrist peu avant la fin du monde et un texte sommaire sur le Jugement dernier.
Cette monumentale histoire du monde est parachevée par un index alphabétique conséquent.
PROVENANCE :
L’Incipit, en grandes et belles lettres gothiques, porte une note manuscrite en latin (une gothique cursive) apportant des renseignements sur la provenance de ce précieux incunable.
Un ex-libris manuscrit à la plume, encre sépia : « Collegii Societatis Jesu Bruxellis 1644 M. B. ».
Sous le xylographe, deux lettres majuscules gothiques cursives à la plume, encre sépia : « L L »
Collège jésuite établi à Bruxelles de 1604 à 1773, dans l’Hôtel de l’archevêque de Cambrai (entre les rues de Ruysbroek, de la Paille et d’Or), puis établi, de 1835 à 1905, dans l’Hôtel de Hornes (rue des Ursulines) et transféré en 1905 dans son emplacement actuel, boulevard Saint-Michel. La bibliothèque a été dispersée après la suppression du Collège de la Compagnie de Jésus en 1773, dans les États autrichiens (Source : BnF).
ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE
Cette bibliographie énumère les ouvrages qui ont principalement retenu notre attention et dont plusieurs nous été directement utiles.
– C. M. BRIQUET. Les Filigranes. Dictionnaire Historique des Marques du Papier, Paris, Alphonse Picard et Fils, 1907.
– F. R. GOFF, Incunabula in American Libraries : A Third Census of Fifteenth-Century Books Recorded in North American Collections, New York, The Bibliographical Society of America, 1964, S-307.
– Marie PELLECHET, Catalogue général des incunables des bibliothèques publiques de France, tome I, 1970, n° 10351.
– Marie-F.-A.-Louis POLAIN, Catalogue des livres imprimés au quinzième siècle des bibliothèques de Belgique, tome III, Bruxelles, La Société des bibliophiles et iconophiles de Belgique, 1932, n° 3469.
– ISTC is00307000 ; – GW M40784 ; – BMC, t. II, 437 ; – CIBN S-161 ; – BSB-Ink, S-195.
Études générales :
– Charles EPHRESSI, Étude sur la Chronique de Nuremberg de Hartmann Schedel avec les bois de Wolgemut & W. Pleydenwurff, Paris, Librairie Techener, 1894.
– Adrian et Lancaster WILSON, The Making of the Nuremberg Chronicle, Amsterdam, Nico Israel, 1976. Une étude incontournable sur ce sujet.
Collegium Societatis Jesu Bruxellis, Collège jésuite établi à Bruxelles de 1604 à 1773.